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    Bonjour, ceci devait être un oneshot mais vu la longueur ce sera finalement un two-(voire three-)shots. Il pourrait passer dans la case "fiction" s'il s'avère trop long.

    Gardez à l'esprit en le lisant qu'il n'est pas écrit pour être beau, bien formulé et ressembler à de la grande littérature; c'est un écrit visant à me détendre. Il se veut dingue, loufoque, écrit comme les choses me viennent avec une structure à chier et surtout, j'espère, amusant.

    Il contient des termes crus (ou peu polis) et certains passages peuvent heurter la sensibilité des plus jeunes/fragiles, ainsi qu'un énorme cliffhanger à la fin de cette partie, vous êtes prévenus ♥

    Les dialogues ne seront pas colorés pour une raison qui vous sera évidente quand vous aurez lu disons 4-5 phrases. Les narrations le seront pour éviter de vous perdre !

    Bonne lecture ♪ et commentez svp mdr ♥ 

    Two(?)shots ~ Les plans de Paï sont à chier ♪

    C'était un jour comme les autres au Café Mew Mew… Ichigo travaillait, les autres s'amusaient, Shirogane la narguait, et Keiichiro s'en battait les- … hum, il s'en fichait et continuait simplement ses gâteaux et sa vaisselle.

    Jusqu'au moment où les aliens (c'est nouuus ♥) décidèrent d'attaquer. Pai avait apparemment conçu un tout nouveau plan, super méga génial, pour les anéantir. Youhou. Comme si on n'en avait pas déjà eu assez comme ça.

    Apparemment cette fois c'était un genre de spray qui était censé "les rendre inoffensives", mais l'auteur a un peu la flemme de trouver ce que c'est censé faire vu que de toutes façons ça va pas fonctionner comme il faut, donc j'ignore exactement quel effet ça aurait dû avoir

    Toujours est-il qu'au lieu de les anéantir, moi, Kisshu, le plus bel individu mâle dans tout l'univers (sisi, je vous assure), je me retrouve actuellement dans un lit qui empeste l'eau de Cologne et je porte une jupe… ainsi que des couettes.

    Yup.

    Je suis devenu Ichigo… et elle est très probablement devenue moi.

    ♥♪♥♪♥♪♥♪♥♪♥♪♥♪♥♪♥

    A peine réveillée, je sentis un horrible mal de crâne me brûler au niveau du front et des tempes. N'osant même pas ouvrir les yeux pour ne pas les exposer à la lumière, je portai une main à mon visage. J'entendis alors une voix, qui me sembla familière sans vraiment l'être.

    - Alors, belle au bois dormant, on se réveille ?

    J'ouvris grand les yeux, m'asseyant rapidement pour trouver la personne qui me parlait. Il s'agissait d'un enfant brun, qui me regardait bizarrement. Il avait des oreilles qui me semblaient plutôt grandes… mais je portai machinalement mes mains vers mes propres oreilles et constatai qu'elles devaient être au moins aussi grandes que les siennes. Ca ne devait être qu'une impression.

    Il me lança un regard curieux et me demanda;

    - Tout va bien, Kisshu ?
    - Euh… Oui, je… je crois. Enfin… C'est mon prénom, ça, "Kisshu" ?

    Ses yeux s'ouvrirent grand, tellement grands que je pense qu'ils auraient pu rivaliser avec les oreilles, et je vis la panique s'y ancrer.

    - Attends, tu veux dire que tu ne te souviens plus de qui tu es ?
    - Je ne sais pas. Tu me dis quelque chose, donc je sais que je t'ai déjà vu quelque part, mais j'ignore qui tu es… et je ne sais pas non plus qui je suis, répondis-je en toute honnêteté.

    Il me fixa pendant un long moment sans rien dire, l'air complètement figé, puis se mit à voler loin de moi en hurlant;

    - PAAAAAAAAIIIIIII !

    Je restai là, sur le sol, me demandant ce que j'allais bien pouvoir faire s'il ne revenait pas. En attendant son retour, je décidai de faire quelque chose d'utile: vérifier si j'étais une fille ou un garçon. Et sans l'ombre d'un doute, j'étais un garçon, bien monté en plus de ça ! Je me sentis même rougir à la vue de mon propre machin... J'étais un peu gringalet mais tout de même musclé sans que ça se voie vraiment baucoup... du moins je pense. Je n'avais plus vraiment de modèle de comparaison pour ce genre de choses mais, mon intuition me le disait. Et j'avais bien envie de l'écouter même si elle m'avait fait défaut pour ce qui était de la taille des oreilles.

    Alors que je m'amusais à faire des "aaa" et autres sons inintelligibles pour écouter ma propre voix, le petit de tout à l'heure revint, toujours agité et hurlant à moitié, avec un autre plus grand qui paraissait plus calme. Ce dernier semblait aussi bien plus âgé. Ils se posèrent tous deux au sol à quelques mètres de moi et le plus grand s'approcha, puis se baissa à mon niveau.

    - Tu ne te souviens vraiment pas qui tu es ?, me demanda-t-il sur un ton tellement froid que j'aurais pu attraper un rhume sur le coup.
    - Nope. Je suis un garçon et je m'appelle… Ki quelque chose, mais c'est tout ce que je sais. Enfin, je sais aussi que je ne t'aime pas beaucoup.
    - Bon, on n'aura pas tout perdu au moins, répondit-il avec un très léger sourire amusé. Et si ça peut te rassurer, c'est réciproque. Mais je vais faire un effort et t'apprendre ce que tu as besoin de savoir sur toi et sur nous en attendant que tu retrouves la mémoire.

    J'acquiesçais et me relevais en même temps que lui. Il se remit à voler (ou peut-être à flotter, qui sait ?), suivi du plus jeune, et je les regardai bêtement s'éloigner. Constatant que je ne suivais pas, le plus grand revint vers moi.

    - Ne me dis pas que je vais devoir te tenir la main, en plus ?
    - A moins que tu ne puisses m'apprendre à voler comme ça en quelques minutes…

    Il soupira en roulant les yeux et prit ma main. Je sentis une pointe de dégoût monter en moi à son contact et réprimai un hoquet en sentant la bile remonter le long de mon œsophage. J'ignorai pourquoi il me faisait ce genre d'effet, mais j'avais hâte qu'il m'apprenne à voler comme eux…

    ♥♪♥♪♥♪♥♪♥♪♥♪♥♪♥♪♥

    Le blond arriva une dizaine de minutes après que je me sois réveillé.

    J'avais vite-fait hésité entre leur dire que je n'étais pas Ichigo et me barrer en courant, ou faire comme si j'étais elle. La solution choisie était clairement la seconde ! D'une part parce que ce serait trop drôle de pouvoir être Ichigo (surtout quand viendrait le moment fatidique de la douche ♥), et d'autre part parce que je doutais fort qu'elle puisse courir très vite.

    J'entamai donc le plan nommé: « Je suis Ichigo mais désolée si je suis un peu bizarre parce que j'ai pris un coup sur la tête donc y'a des choses dont je me souviens pu trop, héhé :p ». Juste après avoir inventé ce nom, j'avais ajouté sur ma checklist mentale qu'il faudrait que j'apprenne à trouver des noms de plan moins longs et ridicules, mais au moins le titre résumait bien le plan.

    - Alors, la belle au bois dormant, ça va ?, demanda-t-il en s'adossant au mur juste à côté de la porte.
    - Euh… Oui, ça peut aller ! Enfin… Je crois que j'ai dû recevoir un mauvais coup sur la tête; tu t'appelles comment, encore ?

    Je frappai doucement mon poing contre le haut de ma tête et lui fit un sourire tout en tirant la langue. J'avais vu Ichigo le faire une ou deux fois quand elle se sentait idiote… et ça lui donnait l'air encore plus idiote, d'ailleurs. Mais les humains avaient l'air de trouver ça mignon.

    - Ryou Shirogane, se contenta-t-il de dire.
    - Okay, Ryou donc.

    Il me regarda bizarrement. C'est vrai, quel débile, les humains de par ici s'appellent pas leur nom de famille sauf s'ils sont super potes ou qu'ils sortent ensemble u_u"

    Il rougit… Et là, je réalisai qu'être Ichigo, ça ne voulait pas seulement dire pouvoir la tripoter et la mater sous la douche à ma guise… mais aussi faire face à la horde de mecs en rut qui la pourchassaient sans arrêt (et dont je faisais partie ♪). Ce qui était nettement moins rigolo, d'un coup.

    ♥♪♥♪♥♪♥♪♥♪♥♪♥♪♥♪♥

    Le grand alien – Pai – m'avait grosso modo expliqué ce qu'il se passait. En gros, nous vivions autrefois sur la planète Terre, mais à cause d'un cataclysme on a dû fuir et on n'a trouvé qu'une planète arride et gelée, et donc notre peuple nous a envoyés en mission pour voir si la Terre était à nouveau habitable mais à ce moment-là on a découvert qu'en fait, oui, et qu'elle était même sacrément habitée par une autre espèce – les humains – et que du coup, pour pouvoir sauver nos familles et amis (et même ceux qu'on n'aimait pas, d'ailleurs), on devait tous les éradiquer… mais apparemment il existe aussi des genre de super-humains en mini-jupe qui essaient de nous arrêter (et qui y arrivent même très bien).

    Il m'avait réappris à flotter et à me téléporter, et j'y arrivais pas trop mal, même si je ne flottais pas encore très droit.

    Oh, et puis il m'a fait une petite liste de mes défauts aussi; apparemment je suis chiant, pervers, impulsif, débile, borné, gamin et chiant. Oui, il a dit "chiant" deux fois au cas où.

    L'avantage quand on ne se souvient plus qui on est, c'est qu'on n'est pas obligé de reprendre les mêmes défauts qu'avant, cela dit…

    Et donc apparemment ils voulaient qu'on attaque à nouveau la Terre dans la journée même si le dernier plan en date avait échoué y'a quelques heures à peine. Mais c'est moi qui suis impulsif et borné, hein…

    - Bon, du coup, c'est quoi le plan ?, demandai-je, pas vraiment motivé ni optimiste.
    - On y va sans plan cette fois, j'en ai assez de bosser sur des systèmes compliqués pendant des jours pour qu'au final ça ne fonctionne pas – enfin, si, ça a quand même donné quelque chose, soit ta perde de mémoire, mais c'était pas le but initial et ça nous emmerde pas mal.
    - C'était quoi, le but initial de ce plan-là ?, demandai-je, aussi curieux que vous.
    - Je préfère ne même pas en parler…, dit-il sans évoquer le manque d'inspiration de l'auteur.
    - Et donc le plan maintenant c'est "on va sur Terre, on fusionne un bidule avec un machin, on voit quel monstre ça fait et on le regarde tuer des gens" ?
    - En gros, ouais. C'est triste à dire mais c'est dans ces cas-là que ça fonctionne généralement le mieux en fait…
    - Bah, au moins on peut dire que t'es chanceux pour ce qui relève du hasard !

    Il me regarda en levant un sourcil, en mode "tu te fous de ma gueule", et j'éclatai de rire. Puis on se téléporta sur Terre et je fusionnai pour la première fois (aussi loin que je m'en souvienne en tous cas, MDRRRR) un poulpe-méduse chelou avec un animal dont le nom devait être… "chat" ? Oui oui, je l'ai retrouvé de mémoire ! (encore MDRRRR :D Mais si vous savez, parce que de la mémoire, j'en ai plus, parce que… oh et puis merde, vous auriez au moins pu rigoler pour me faire plaisir…)

    Le monstre était le même mais en beaucoup plus gros et il se mit à manger tout ce qu'il voyait. C'est à dire des arbres en fait vu qu'on était dans un parc. Paie ton carnivore effrayant…

    ♥♪♥♪♥♪♥♪♥♪♥♪♥♪♥♪♥

    J'étais descendu avec le blond – enfin, Ryou – et on m'avait "rappelé" les prénoms de tout le monde, mais je les avais prévenus (encore en faisant "Ichigo l'idiote") que je risquais fort de les appeler par leurs couleurs de cheveux pendant quelques temps, le temps de tout retenir.

    Je me demandais quand je pourrais rentrer prendre une douche… ♪

    Sauf qu'apparemment ma vraie équipe – de bras cassés – attaquait à nouveau, dans le parc. Du moins c'est ce que le grand brun venait de dire. Je comprenais mieux comment elles pouvaient arriver à chaque fois toutes en même temps au bon endroit aussi rapidement après le début de chacune de nos attaques… et l'utilité de ce café d'un rose vomitif: ça permettait d'avoir une raison d'être constamment tous ensemble à rien foutre en attendant l'entrée en scène du merveilleux alien et de ses deux laquais, tout en n'ayant pas l'air suspect. Genre, ça faisait pas trop "secte", et en même temps ils étaient pas trop emmerdés parce qu'avec tout ce rose les gens avaient trop mal à la tête pour entrer prendre un thé, vous voyez ?

    Bref, ça ne m'arrangeait pas trop parce qu'en fait, la douche, je ne pourrais pas la prendre si on me croisait durant le combat. Enfin, si on croisait Ichigo. Enfin, Ichigo… dans mon corps. Enfin bref vous avez compris; elle leur dirait que c'était moi et ils risquaient de la croire (même si je doutais qu'ils écoutent les débilités que "je" (Ichigo dans mon corps) débiterais, mais bon, si elle leur donnait des détails qu'elle seule connaissait sur eux… bref).

    D'un autre côté, je doutais assez qu'ils emmènent Ichigo-dans-mon-corps avec eux pour combattre. C'était un peu débile, elle aurait facilement pu se retourner contre eux. Mais vu qu'ils sont débiles, j'avais tout à craindre.

    Et effectivement, ils l'avaient amenée. Même pas attachée ni rien, et apparemment ils lui avaient même appris à voler O.o WTF, je les savais cons mais tout de même pas à ce point…

    Taruto vola en rigolant jusqu'à mon niveau et me donna un coup sur le nez avec son index.

    - Si tu veux un conseil espèce de vieille sorcière, évite d'emmerder Kisshu. Il a complètement perdu la mémoire; pour l'instant il ne sait pas qu'il aime bien jouer avec toi, donc si tu te fais discrète peut-être qu'on sera tous débarrassés de son comportement chiant vis-à-vis de toi !

    Il se téléporta à nouveau auprès des deux autres juste après. Ichigo ne se souvient plus… qu'elle est Ichigo ? Donc, elle croit sincèrement être moi ? … Mais, c'est vachement intéressant tout ça !

    De toutes façons je l'ai toujours dit, que Taruto était sympa !

    ♥♪♥♪♥♪♥♪♥♪♥♪♥♪♥♪♥

    Cinq humaines avec des costumes bizarres et des oreilles/queues/ailes/autres d'animaux arrivèrent tandis qu'on regardait désespérément le gros chat bouffer tous les arbres… en se dirigeant non pas vers la ville mais vers la forêt, où il ne ferait pas le genre de dégâts que nous espérions. Décidément ils plaisantaient pas quand ils disaient que leurs plans foiraient à chaque fois…

    Mon front me faisait à nouveau mal, mais cette fois, c'était à force de me mettre des facepalm.

    Elles avaient des espèces de maillots de bain (j'ignore comment je sais ce qu'est un maillot de bain vu que j'ai perdu la mémoire, sûrement un résidu de souvenir ? Là aussi l'auteur avait pas envie de se prendre la tête ♫), ou des robes pas couvrantes du tout. Taruto alla parler à l'une d'entre elle, une habillée en rose et avec des oreilles et une queue de chat. Elle aussi, elle me disait vaguement quelque chose… contrairement aux quatre autres, d'ailleurs. Mais celle-là, celle en rose, … j'avais du mal à ne pas la regarder, en fait. Elle me faisait une drôle d'impression, comme si là, c'était quelque chose de vraiment très important que j'avais oublié.

    Taruto revint à nos côtés en se téléportant et je lui posai la question sans attendre.

    - Dis, Taruto. La rose et moi, on est liés d'une quelconque manière ?

    Il se figea un instant, me regardant comme un enfant qui aurait fait une bêtise, puis me répondit;

    - Beuh, euh, ben non pourquoi ? Enfin c'est juste une ennemie quoi donc tu peux pas être lié à elle tu vois, ça se fait pas hahahahahaha !

    Quelque chose dans son rire me parut louche, mais peut-être qu'il avait juste pas de chance et riait de façon débile, donc je ne relevai pas pour ne pas le vexer – après tout, si mes seuls amis étaient Pai et lui, j'aimais autant rester en bons termes avec lui pour éviter de devoir l'être avec Pai.

    Malgré la réponse de Taruto, pendant tout le combat, mon attention resta portée sur celle en rose. Je n'avais peut-être pas de lien avec elle avant mais ça ne voulait pas dire qu'il était impossible que je ressente quelque chose pour elle maintenant, pas vrai ? Après tout ils avaient beau me parler de sauver ceci, de combattre cela etc, ça ne me touchait pas plus que ça, actuellement. Toutes leurs histoires ne m'avaient pas paru familières du tout… contrairement à elle. J'avais vraiment l'impression de l'avoir vue très, très, trèèèès souvent, sûrement plus que de raison en considérant qu'elle était censée être mon ennemie.

    Peut-être qu'on était secrètement en couple ? Ou que je l'aimais en secret, sans qu'elle-même ne le sache ? Ou alors, elle m'avait avoué ses sentiments et depuis je l'avais beaucoup plus regardée que les autres ? Ou peut-être au contraire que je la détestais encore plus que les autres parce qu'elle m'avait fait un sale coup…? Mais si je la détestais à ce point, en toute logique, je devrais ressentir du mépris ou de la rage comme envers Pai au lieu d'avoir cet étrange sentiment de… d'habitude, en la voyant.

    Comme si la voir était normal, le trin trin quotidien, la routine.

    ♥♪♥♪♥♪♥♪♥♪♥♪♥♪♥♪♥

    Kisshu, enfin, Ichigo, enfin, vous m'avez compris hein, m'avait fixé pendant tout le combat. En même temps, vu que je la trouvais bonne et qu'il était dans mon corps, elle devait se trouver bonne aussi… enfin, je suppose, parce que sinon je vois pas trop pourquoi elle m'aurait fixé aussi intensément.

    D'ailleurs le combat, parlons-en. Plus jamais je ne sous-estimerai Ichigo: oui, elle est plus faible que moi, mais pour bouger, courir et se battre avec les deux melons qui lui servent de seins, le tout sans perdre son bustier, elle méritait tout le respect du monde. Et c'est sans parler de la mini-jupe qui effectue un mouvement gravitationnel de 3km vers le haut à chaque petit pas, dévoilant presque des sous-vêtements que seul Kisshu, enfin, moi, ai le droit de voir ! Et là encore, c'est sans parler des sauts…

    Bref, Ichigo avait beau être une humaine, elle était la créature la plus courageuse que je connaisse pour endurer tout ça quotidiennement.

    Le gros-monstre-chat-mangeur-d'arbres-inutile éliminé, je fis discrètement un clin d'oeil à Kisshu – enfin, à Ichigo – qui continuait à me fixer, et il (enfin, elle) rougit, avant de se téléporter avec les deux autres.

    ♥♪♥♪♥♪♥♪♥♪♥♪♥♪♥♪♥

    J'étais presque sûr qu'il y avait quelque chose avec cette fille en rose. Elle m'avait fait un clin d'oeil à la fin du combat, en prenant garde à ce que personne d'autre ne le voie. Peut-être qu'on était vraiment ensemble en secret ? Si c'était le cas, il fallait que je lui dise que j'avais perdu la mémoire, sinon elle s'inquiéterait de ne pas me voir à un éventuel rendez-vous qu'on aurait éventuellement pu se fixer il y a quelques jours. Seulement voilà, je ne pouvais pas juste aller lui demander comme si c'était normal, avec les 4 autres filles et mes deux "amis" juste à côté.

    J'avais vite-fait glissé à Taruto que je viendrais avec eux après, que j'avais envie de me balader un peu pour "repérer le terrain" et surtout m'entraîner à bien voler, et je me téléportais un peu après eux, mais pour aller me cacher derrière des arbres et buissons un peu en retrait de la "clairière" que le chat avait créé en mangeant, et où se trouvaient nos ennemies. Je comptais attendre qu'elle soit seule pour pouvoir l'aborder…

    Seulement voilà, apparemment elles bossaient toutes dans un drôle de bâtiment tellement rose qu'il m'en aurait presque donné la nausée – même si je trouvais cette couleur plutôt jolie. J'attendis donc dehors, à l'abri des regards, qu'elle ne sorte et ne rentre chez elle.

    ♥♪♥♪♥♪♥♪♥♪♥♪♥♪♥♪♥

    Le service était enfin fini. J'avais l'habitude de me moquer d'Ichigo quand elle engueulait le blond et pétait des crises de nerf, quand je l'observais pendant son boulot, mais au bout d'une seule journée je savais que j'allais rêver de les égorger vifs tous autant qu'ils étaient ! Là encore, finalement, elle méritait un profond respect pour ne pas les avoir encore découpés en rondelles ou laissés tomber.

    Et quand y'en a plus y'en a encore hein, parce qu'une fois le service terminé il faut faire la fermeture et même si Ichigo l'avait déjà fait les 3 derniers jours (et peut-être plus, mais je l'avais vue le faire les 3 derniers jours en tous cas), devinez sur qui ça tombe ? Haha. Vive le mettage de chaises sur les tables et le passage de balai et de serpillière sur le sol. En plus, Ichigo n'ayant absolument aucune force dans les bras, c'était plutôt éprouvant de devoir tout soulever…

    Je finissais tout juste quand le blond – Ryou le maléfique – remonta dans la salle. Il avait passé une partie de l'aprèm cloîtré à l'étage inférieur, là où ils gardaient leurs ordis et tout ça. Il me défia du regard, sourire en coin, et je savais que j'aurais envie de le tuer à la seconde où il aurait sorti sa phrase, quelle qu'elle soit.

    - Alors, enfin fini ? C'était pas trop tôt, je te savais nulle mais pas à ce point.

    Je réprimai mon envie furieuse de me jeter sur lui en lui lançant à la place une remarque cinglante, lui renvoyant son regard provocateur.

    - C'est ce que te dit ta copine au lit ?

    Son sourire disparut instantanément, il eut l'air surpris pendant un instant, puis furax. Il avança vers moi d'un pas furieux et rapide, m'attrapant par le cou et me plaquant contre le mur le plus proche. Serrant toujours ma gorge, il posa sa main sur ma cuisse et la fit glisser assez rapidement le long de mon corps jusqu'à ma poitrine – enfin, celle d'Ichigo, parce que sinon moi j'en ai pas hein. Il pressa fort mon sein dans sa main, m'arrachant un petit cri de douleur, parce putain, ça fait mal !

    Il murmura méchamment un "tu l'as cherché"  à mon oreille...

    TO BE CONTINUEEED 8D
    (je sais pas quand, donc demandez pas mdr. Ce sera dans un autre article donc vous serez notifiés via la newsletter si vous êtes abonnés, et si vous l'êtes pas ben... vous attendez quoi ? O.o)


    3 commentaires
  • « Il faut surmonter les épreuves de la vie », hein...? Pourquoi, au juste ? Pourquoi serait-on obligés d'en accepter et d'en surmonter les épreuves, les unes après les autres, en souffrant continuellement, au lieu de simplement baisser les bras ? À quoi ça sert, au juste, de vivre quand on n'en a pas envie, et qu'on a le sentiment justifié que la vie n'a pas envie qu'on vive non plus ? Pourquoi tout ne pourrait pas s'arrêter là ? Pourquoi devrait-on être traité de lâche, juste parce qu'on a le courage de s'indigner, de se rebeller, et de montrer à la vie et au monde qui la dirige qu'on n'est pas d'accord avec son fonctionnement ?

    Pourquoi devrait-on être jugé parce que, comme n'importe qui pourrait choisir entre rouge et bleu, entre pain blanc ou pain complet, on décide de choisir de vivre ou non ?

    Pourquoi devrait-on être jugé parce qu'on fait ce qu'on a envie, sans ennuyer personne ? Pourquoi devrait-on être empêché de faire ce qu'on veut de sa vie sous prétexte que "c'est mal", alors que ça ne nuit à personne, et être emprisonné de façon bien pire qu'un violeur ou un meurtrier, qui eux ont pourtant causé du tort aux gens ?

    On doit tous mourir un jour, de toutes façons, non ? Alors, pourquoi pas aujourd'hui ? Si on souffre, si on est triste, si on ne compte pour personne, pourquoi continuer à s'infliger la souffrance de vivre au lieu de tout simplement s'offrir la liberté de mourir ?

    Parce qu'il pourrait y avoir quelque chose d'effrayant après ? Ne me faites pas rire. Il n'y a rien après. On vit, on meurt, on moisit et on sert de nourriture aux asticots et d’engrais à la terre. Voilà tout. Comme s'il pouvait y avoir quelqu'un de bienveillant dans les cieux, qui nous observait et qui nous punirait si on décidait de ne pas se plier à son vœu égoïste de nous voir souffrir jusqu'au bout, jusqu'à notre mort naturelle - ou pas forcément naturelle, d'ailleurs, puisque si on ne se donne pas la mort soi-même, on peut tout aussi bien être tué par quelqu'un d'autre, volontairement ou non.

    Et même si cette personne soi-disant bienveillante existait et observait chacun de nos actes, elle aurait indéniablement ses favoris. Il n'y a qu'à regarder l'écart entre la misère et la richesse, entre les gens heureux et ceux qui ne sont pas, pour le comprendre. Comment des gens malheureux et/ou pauvres peuvent-ils croire qu'un Dieu tout puissant, "juste et bon", veille sur eux, alors que c'est lui-même qui leur inflige cette vie et par là même, leur misère ?

    Et même si cette personne soi-disant bienveillante existait, je n'en voudrais pas. Je ne passerais pas ma vie à vivre "selon ses règles", si tant est qu'elles ne soient pas un vulgaire ramassis de mensonges inventés par une personne en mal de popularité, juste pour pouvoir ensuite vivre une seconde vie à ses côtés.

    D'une part parce que j'avais bien assez de cette vie et n'en souhaitais surtout pas une seconde.

    D'autre part parce que je préférerais mourir à nouveau que de rester auprès de cette "personne bienveillante" qui m'aura laissé autant souffrir.

    ---

    Lorsqu'ils ont demandé des volontaires prêts à risquer leur vie pour sauver celle de tout le monde, je fus le seul à lever la main. "Risquer ma vie", c'était pas comme si j'en avais quelque chose à foutre, de la perdre, de toutes façons. Y mettre un terme moi-même n'étant pas quelque chose de concrètement possible, je voyais même là un ticket gagnant dans les deux cas. Si je réussissais cette fameuse mission dont ils parlaient, ça m'aurait occupé au moins quelques jours que je n'aurai pas passés à n'avoir rien d'autre à faire que penser à mon dégoût pour ce monde, encore et encore, et à mon envie que cela se termine bientôt. Ce qui semblait relativement peu probable à mon âge, malheureusement.

    Si j'échouais, eh bien... Cette vie misérable se terminerait enfin, de la main d'un autre qui plus est, "dans les règles" donc. "Ses" règles, à cet abruti, là-haut, si toutefois il existait.

    ---

    La Terre était un endroit plutôt ennuyeux. Je pensais pouvoir me divertir un peu, penser à autre chose, ne serait-ce que quelques jours, mais finalement les humains étaient un peuple faible et mou, qui ne faisait que suivre sa petite routine sans même se poser un centième des questions que je me posais chaque jour sur la raison pour laquelle je vivais. D'un côté, ils faisaient peut-être bien d'être aussi ignorants et insouciants. S'ils cherchaient un peu, ils comprendraient bien vite qu'une raison, il n'y en a pas. On vit, on crève, c'est tout. Pour perpétuer l'espèce, ou servir de nourriture à une autre espèce, peu importe, mais il n'y a rien de plus.

    Il m'arrivait parfois même de les envier, ces humains ignorants. Heureux de vivre grâce à cette ignorance. Juste le temps d'un instant, bien entendu, parce que dans le fond, une telle vie n'était clairement pas enviable. Laquelle le serait ? Aucune, certes. Mais je préférais autant en être conscient.

    Après quelques jours à m'ennuyer et à tuer des gens au hasard, je changeais d'endroit. Je me disais que, peut-être, je finirais par trouver un lieu un peu plus divertissant. Je me lassai assez vite de ce petit "rituel". Les humains, en plus d'être stupides, étaient terriblement fragiles, incapables de se battre, de se défendre, et horriblement bruyants quand on les égorgeait. C'était vraiment chiant.

    Je finis par presque faire un tour complet de la planète, et m'arrêtai juste avant l'endroit où j'avais commencé. Ou du moins, juste avant la grand étendue d'eau qui me séparait désormais de l'endroit où j'avais commencé. Les humains appelaient mon point de départ "États-Unis", et ma localisation actuelle "Japon". Les deux sonnaient très mal. Les humains étaient nuls pour inventer des mots. Encore un défaut. J'aurais presque pu finir par les plaindre, à force de leur en trouver de nouveaux, encore et encore.

    Je ne savais plus vraiment depuis combien de temps j'étais là, combien de temps j'avais mis à faire le tour de cette sphère en tuant des gens par-ci par-là, mais j'avais l'impression que cela faisait un peu plus que les "quelques jours" auxquels je pensais au départ...

    Dans cet endroit appelé "Japon", las de "me battre" sans jamais éprouver la moindre résistance (ou peut-être parce que j'en étais presque venu à éprouver de la pitié pour eux), je décidai de simplement utiliser mes connaissances pour créer des esclaves, des "monstres", qui iraient s'occuper de tuer ces fichus humains à ma place. Cependant, étrangement, ils ne revenaient jamais vers moi, et étaient complètement introuvables ensuite.

    Au bout de trois semaines, en ayant assez de ne pas savoir s'ils exécutaient leur mission, s'ils disparaissaient à cause d'un problème de confection, ou pour quelle autre foutue raison ils ne provoquaient pas le bain de sang escompté, je décidai d'en créer un que je pourrais facilement suivre et observer.

    Quelle ne fut pas ma surprise en trouvant finalement un humain bien plus intéressant que les autres...

    "Mignon" ? J'ignorais si c'était vraiment le mot pour le décrire. Il n'était pas aussi hideux que certains humains que j'avais pu voir au cours de mon "voyage", mais son côté mignon résidait davantage dans son comportement que dans son apparence - de toutes façons, qui se soucie de l'apparence, sérieusement ? Nos corps sont juste destinés à se flétrir progressivement, puis à pourrir.

    Quelque chose m'agaçait pas mal, chez lui... ou peut-être "elle". Y avait-il aussi des genres, chez les humains ? Probablement que oui. Sinon, ils ne proliféreraient pas aussi rapidement (la reproduction asexuée étant relativement voire très lente chez les organismes pluricellulaires, et d'autant plus s'ils faisaient cette taille), et se ressembleraient tous beaucoup plus. Considérant son buste, et imaginant qu'ils étaient constitués plus ou moins de la même façon que mon espèce, disons plutôt "elle". Elle avait cette sale manie de sembler toujours heureuse, et encore plus insouciante et stupide que les autres. Ca m'énervait vraiment, vraiment beaucoup. Comment un être inférieur comme elle pouvait être aussi heureuse en se complaisant dans son petit monde, tandis que moi, j'étais si malheureux et je souffrais tant ? La débilité profonde était-elle réellement nécessaire au bonheur ?!

    Valait-il mieux être intelligent ou heureux ? ... La réponse était évidemment la première.

    Si elle n'était pas malheureuse d'elle-même, alors je l'y aiderais. Il était hors de question qu'elle continue à être si joyeuse en continu, comme pour me narguer, en plus de tuer mes monstres. Cependant, la mort aurait été bien trop douce pour elle - après tout, moi qui la voulais tant, je n'y avais pas droit, alors pourquoi la lui offrirais-je ?

    Je devais la punir sévèrement.

    Lui faire regretter d'oser être heureuse sous mon nez.

    ...

    Mais comment ?

    Lorsque je m'intéressais encore un peu à ce qu'il se passait autour de moi, sur ce rocher de glace que nous habitions, j'avais parfois vu des filles pleurer. Mais pourquoi elles pleuraient, déjà...? Ha ! Parce que des gars louches s'amusaient à les tripoter en échange de nourriture pour leurs familles.

    ... Après une assez courte réflexion, je doutais pas mal que sa famille ait besoin de nourriture, étant donné la manie récurrente des humains à la gaspiller.

    Je n'avais pas non plus envie de la tripoter, ... si je lui volais un baiser, ça aurait certainement le même effet, non ?

    ---

    Finalement, ça avait plutôt bien fonctionné. C'était même plus amusant que je ne l'aurais pensé, de faire pleurer une fille.

    ... "Amusant", était-ce le bon mot ? Non, un peu trop fort. Plutôt "divertissant". Voir son sourire s'effacer et laisser place à un visage déconfit, ses yeux se vider de leur joie pour se remplir de tristesse et de frayeur, ça m'avait même fait sourire et... lui adresser la parole. Qu'est-ce que j'avais raconté, déjà ? Sous le coup du stress (c'était la première fois que je faisais quelque chose comme ça, après tout), j'avais débité quelque chose sans trop m'en rendre compte. Bah. C'était pas comme si c'était important.

    ---

    J'avais pris la manie de la suivre, depuis. Bon, ça ne faisait que quelques heures, mais sa vie était tellement chiante et vide que ça me paraissait bien plus long. Elle semblait toujours troublée et malheureuse, ce qui était cool; mon plan avait marché ! ... Mais finalement, elle avait rejoint une humaine- ... non, sûrement "un humain", dans un endroit bizarre comme j'en avais vus par moments sur la planète, où les humains se rassemblaient généralement en masse, et elle avait retrouvé son insupportable sourire.

    J'avais évidemment tout de suite décidé que je n'aimais pas cet humain non plus. Ruiner mes efforts était tout sauf sympa. J'avais également tout de suite décidé de lui enlever à nouveau la joie plantée sur son joli visage.

    "Joli" ?

    Bref. Je lui avais rappelé notre petite rencontre de la veille, et avais tenté de lui voler un autre baiser, mais elle se défendit, cette fois. Comme quoi, les humains étaient vraiiiiment des êtres remplis de surprise ! ... Haha, c'est la première fois que je fais une blague depuis... je ne sais même pas à quand remonte la dernière, en fait.

    Puisqu'elle et ses copines avaient apparemment décidé de détruire tous les monstres que je créais pour attaquer les humains, j'avais décidé de jouer les "grands méchants" - c'était sûrement ce qu'elles attendaient de moi, et ça me permettrait de m'amuser un peu.

    ---

    Je me surpris moi-même en la qualifiant de "jouet". C'était un peu vrai. Elle était la première source de divertissement que j'avais eue depuis... là encore, j'ignore depuis combien de temps. Des années, c'était tout ce dont je pouvais être sûr. De là à lui donner tant d'importance, ...

    Enfin, encore une fois, c'était pas comme si c'était important. Elle et ses amies allaient de toutes façons mourir tôt ou tard, alors peu importait ce que je pouvais bien leur dire ou leur faire, ça ne ferait pas une grande différence.

    Ce jour-là, après qu'elles aient réussi à détruire le monstre que j'avais créé, je me surpris plus ou moins à penser que "tard" serait plus sympa que "tôt".

    ---

    Le temps était un peu passé. On s'était revus quelques fois. Je l'avais revue, sans qu'elle ne le sache, un peu plus de fois. J'avais beau l'énerver, la rendre triste, la tourmenter, elle finissait irrémédiablement par afficher ce fichu sourire béat quelques heures plus tard, quand ça ne se comptait pas en minutes. Elle avait trouvé une pote de plus pour détruire mes monstres, et apparemment, elles en cherchaient une cinquième.

    ---

    J'avais envoyé trois de ses amies dans une autre dimension, et ordonné aux deux restantes de se battre, décrétant que la gagnante devrait me rejoindre. Pourquoi ? ... Je n'en ai aucune idée non plus. Je voulais juste l'énerver et la rendre triste, au départ, en lui disant qu'elle ne les reverrait jamais. Mais je crois bien que... j'ai eu pitié d'elle, et que j'ai voulu me rattraper en lui offrant une chance de les sauver.

    En outre, ça me ferait un peu de compagnie, si elle me rejoignait. Et tant qu'elle était en ma présence, elle ne souriait jamais, donc ce serait d'une pierre deux coups.

    Enfin, si elle gagnait...

    ---

    Elles avaient refusé de se battre. J'avais tenté de lui forcer la main, de la convaincre de me rejoindre en échange de quoi j'aurais sauvé ses amies - que j'aurais tuées ensuite, bien entendu, mais ça, je ne lui avais pas dit. Elle a refusé. Je me suis surpris à la sauver de mon monstre, faisant réapparaître ses amies "comme par magie" tout juste au bon moment pour qu'elles se chargent de la protéger...

    Je pense que j'avais vraiment besoin d'un jouet, et d'un vivant, de préférence.

    ---

    Nous nous étions à nouveau battus. J'avais tenté de ne pas lui laisser le choix. J'avais fait en sorte qu'il leur soit impossible de détruire ces arbres sans se détruire elles-mêmes. Je voulais que cette fille - "Ichigo", je pense - n'ait pas d'autre choix que de venir avec moi pour sauver ses amies.

    Elle s'était battue directement contre moi.

    Et pour la première fois depuis bien longtemps, non seulement j'avais échoué à la toucher, mais en plus, elle avait réussi à me toucher. Je n'avais pas été spécialement sérieux (ça n'était qu'une pauvre petite humaine sans défense après tout), et elle n'avait réussi qu'à m'égratigner légèrement, mais sa combativité m'avait presque fait ressentir quelque chose. J'avais eu une sensation... de chaleur dans la poitrine. La sensation d'être en vie.

    Depuis combien de temps ça ne m'était pas arrivé, déjà...?

    J'avais fini par lui ordonner de ne pas tenter de détruire cet arbre, l'avertissant que ça la tuerait. Elle ne m'avait pas écoutée. J'avais fini par le détruire moi-même, sans qu'elle ne le sache. J'étais vraiment ridicule, mais tant pis.

    Je m'étais trompé, je n'avais pas besoin d'"un jouet". J'avais besoin de ce jouet.

    ---

    Mes tentatives suivantes pour la forcer à devenir mon jouet furent plutôt veines. En fait, je n'eus le temps d'en faire qu'une seule, qui faillit réussir, mais son copain (que je surnommais non-affectueusement "Roméo", en référence à un spectacle idiot que j'avais vu dans un autre endroit sur Terre où le gars finit par mourir stupidement) l'avait encore une fois aidée... allez savoir comment, d'ailleurs. Après cela, deux énergumènes de la même espèce que moi étaient arrivés pour me dire que j'étais trop lent à leur goût et qu'ils me mettaient sur la touche. Je n'avais plus le droit d'attaquer les humains jusqu'à nouvel ordre. Et donc plus le droit de m'amuser avec mon jouet...

    Fait chier, putain.

    ---

    Quelques semaines sont passées. J'ai observé leurs plans, certes plus élaborés que les miens, mais complètement ratés à chaque fois. Ils étaient vraiment nuls. Et ils ne correspondaient pas du tout à ce qui avait été demandé pour cette mission: ils n'étaient clairement pas prêts à mourir, ni même à souffrir un tout petit peu. Dès lors que ces petites humaines les attaquaient directement, ils prenaient leurs jambes à leurs cous.

    Des poltrons. Doublés d'incapables.

    ---

    On m'avait plus ou moins ordonné de ne plus approcher Ichigo. Pas comme un jouet, en tous cas. Uniquement comme une ennemie qu'il me fallait tuer.

    Je n'en avais pas envie.

    J'avais finalement trouvé quelque chose qui me divertissait et rendait ma vie moins répétitive et nulle, et ils espéraient que je m'en débarrasse ?

    Ils pouvaient toujours courir.

    Je me contentais désormais de participer sagement aux "plans géniaux" de mes deux "comparses", sachant très bien qu'ils échoueraient tous et ne la mettraient pas vraiment en danger, et d'en profiter pour "m'occuper de tuer la rose", afin de me retrouver seul avec elle et de pouvoir la taquiner.

    J'aimais toujours autant voir son stupide sourire se transformer en... en tout sauf un sourire, finalement. Peu m'importait que ce soit de la colère, de la peur, du dégoût, de la tristesse ou même de la douleur - bien que j'aie une très, très légère préférence pour la peur et la colère, qui me donnaient des frissons à chaque fois que je les voyais. Qui me donnaient, à nouveau... la sensation d'être en vie.

    ---

    L'espèce de "Dieu" (qui était loin d'en être un, mais soit) auquel notre peuple obéissait depuis déjà bien trop longtemps, semblait s'impatienter. Il voulait retrouver une forme matérielle, autrement dit, un corps. Nos plus grands chercheurs avaient tous échoué à lui rendre le sien.

    Si j'y parvenais, peut-être me laisserait-il épargner Ichigo, et la garder en tant qu'animal de compagnie, pour me récompenser ?

    Ca valait toujours la peine d'essayer. Les dieux étaient censés accorder des vœux à n'importe qui après tout, alors pourquoi n'en accorderaient-ils pas encore plus facilement à quelqu'un qui leur rendait service ?

    ---

    Après quelques jours de recherches dans nos anciens écrits, je découvris "l'eau bleue". Une eau pure, scellée sous terre depuis la création de la planète, ayant toujours les propriétés de la première eau ayant existé sur Terre, c'est à dire la propriété de donner (ou de rendre) la vie, entre autres choses. D'après les vieux ouvrages que j'avais consulté, elle existait sous deux formes: liquide, d'une puissance "raisonnable" (capable de soigner de graves blessure ou de faire pousser des plantes en un instant, mais ses capacités s'arrêtaient là), et sous forme cristallisée (appelés "cristaux d'eau bleue" par nos ancêtres), qui avaient théoriquement "le pouvoir de donner ou de rendre la vie à toute chose pouvaient l'abriter en son sein". Exactement ce qu'il me fallait.

    Apparemment, les quelques fous ayant consacré leur vie à la recherche de cette eau lorsque nous vivions encore sur Terre avaient constaté qu'elle raisonnait avec le cœur de certaines personnes, dont ils avaient pu se servir pour en trouver assez facilement, voire pour en faire venir jusqu'à eux. Ces sources n'étaient pas très fiables puisque la plupart des gens qui l'affirmaient avaient fini internées, mais après tout, ceux qui décident de mourir sans y arriver étaient internés aussi, et ça n'en restait pas moins des personnes intelligentes. Comme moi, quoi.

    Les humains aussi avaient, semble-t-il, découvert l'existence de cette eau, puisqu'Ichigo et les quatre autres la cherchaient plus ou moins activement. Comme s'il était possible d'en trouver par hasard en creusant des trous de 2 mètres de profondeur dans un parc... Je découvrais grâce à elles que la stupidité des humains arrivait encore à m'étonner. Ce qui était plutôt bon signe.

    ---

    Tout comme les humains, j'avais réussi à localiser, plus ou moins précisément, certains fragments d'eau bleue.

    Et j'avais fini par la trouver, ma "personne dont le cœur pouvait raisonner avec l'eau bleue". Ichigo en était capable. Mais comme elle n'en était pas consciente (et c'était aussi bien comme ça, je n'avais pas besoin qu'elle se mette en tête d'en trouver pour aider les humains), il m'avait été vraiment difficile "d'activer" cette capacité chez elle. Elle avait néanmoins fait apparaître une énorme quantité d'eau cristallisée, ... et avait réussi à s'en emparer avant moi. Tant pis. J'avais tout de même pu démontrer ses effets à notre fameux "dieu", ou "seigneur", peu importait comment il était considéré et appelé par les autres. Il avait récupéré quelques forces, mais il faudrait plus que cela pour qu'il accepte d'exaucer mon souhait.

    ---

    Certains des fragments que j'avais pu détecter étaient assez spéciaux. Ils pouvaient se déplacer. Je compris assez rapidement qu'ils étaient certainement dans l'âme d'humains ayant la même capacité à la faire raisonner qu'Ichigo, et qui avaient dû l'attirer à eux sans même en être conscients. Il était fort possible que, nourris de leurs sentiments (positifs comme négatifs), ces fragments de cristaux soient bien plus puissants que ceux trouvables "naturellement". Je me mis donc en quête de ceux-là, volant le cœur d'humains en espérant tomber sur les bons.

    Ce fut assez peu fructueux, mais ça m'avait donné une bonne excuse pour aller m'amuser avec mon jouet sans qu'on ne puisse me faire le moindre reproche.

    Cependant... elle continuait, encore et encore, à préférer ce "Roméo". Elle ne voulait toujours pas être à moi. J'appréciais sa combativité, mais je commençais à trouver tout ça... douloureux, à l'intérieur. Comme si quelque chose en moi se brisait un peu plus à chaque fois qu'elle me jetait ses mots tranchants à la figure pour aller se réfugier dans ses bras à lui.

    Depuis quand n'avais-je pas ressenti ça, vous demandez-vous ? Je ne l'avais tout simplement jamais ressenti. Même de façon théorique, j'ignorais à quel genre d'émotion cela pouvait correspondre. Étant (plus ou moins) incapable de les ressentir depuis déjà bien longtemps, j'avais pourtant appris énormément d'émotions de façon théoriques.

    Celle-là ne faisait pas partie de celles que je connaissais.

    Taruto ignorait également de quoi il s'agissait, et Pai me rit (méchamment, bien entendu) au nez lorsque j'allai lui poser la question. Juste avant de me dire d'arrêter mes plaisanteries de mauvais goûts, que je ne pouvais pas ressentir ça pour une humaine, et que si c'était vraiment le cas, il lui faudrait me tuer sans attendre.

    J'acceptai son "offre" (involontaire) de faire passer cela pour une blague.

    Depuis quand ne voulais-je plus spécialement mourir...?

    ---

    Peu de temps après, alors je devais me contenter de faire raisonner son coeur avec le cristal se trouvant à proximité, ...

    - Je ne comprends pas. Pourquoi est-ce que tu t'évertues encore et encore à aider les humains ?

    - Qu'est-ce que tu racontes ? Parce que vous n'arrêtez pas de nous attaquer et voulez nous exterminer, voilà pourquoi !

    - "Nous" ? Ne dis pas de sottises.

    - Quoi ?!

    - Arrête de faire comme si tu ne le savais pas déjà. Tu nous ressembles beaucoup plus que tu ne ressembles à un banal être humain ! Les humains ne peuvent absolument pas comprendre ce que toi et tes amies ressentez. Peu importe à quel point vous vous battez ardemment, les humains ne vous voient que comme des monstres qui détruisent leur ville en combattant d'autres monstres ! Alors, combien de fois me forceras-tu à te le répéter ? Tu devrais combattre à nos côt-

    - Ne te fiche pas de moi ! Je me moque de tout ça, j'ai décidé que je vous combattrais. Je les protégerai, quoi qu'il arrive, mais certainement pas dans le but d'être acclamée !

    ... Je me sentais vraiment idiot. Dire que je l'avais prise pour une idiote, la première fois que je l'avais vue... Ca n'était pas une lumière, ni un génie, mais elle avait elle aussi la capacité de comprendre les choses simples et évidentes que la plupart des gens ne voyaient pas.

    La différence avec ma capacité à comprendre ces mêmes choses, c'est qu'elle était capable de voir du positif partout, tandis que je ne voyais que du négatif. Je préférais habituellement dire que je voyais juste les choses de façon réaliste, mais je réalisais aujourd'hui qu'elle préférait certainement dire ça aussi à propos de sa vision des choses.

    Finalement, au-delà de notre inimité forcée, due à notre différence d'espèce et à nos objectifs contraires, nous étions bien plus opposés que je ne le pensais.

    Il paraît que les contraires s'attirent. Du moins, je l'avais lu dans un livre humain il y a déjà longtemps. Était-ce pour ça qu'elle m'intéressait autant ?

    ... je laissai échapper quelques paroles qui aurait certainement mieux fait de rester à l'intérieur de ma bouche... voire tout au fond de mon coeur, bien cachées.

    - Tu as réussi, Kisshu. Tout s'est passé exactement comme tu l'avais prévu.

    - C'est vrai, je te tirerais même mon chapeau si j'en avais un.

    - ... Qu'y a-t-il, Kisshu ?

    - Ichigo... Pourquoi tu ne comprends pas ?

    - Comment ? Tu étais sérieux ?!

    J'ignorai sa question, continuant le plan, qui consistait à leur faire emmagasiner de l'énergie au cristal grâce à leurs pouvoirs, tandis qu'elles l'attaqueraient, pensant le détruire et ainsi nous empêcher de l'avoir. Il finirait ainsi par créer une gigantesque explosion qui détruirait la ville.

    Il nous suffisait de les retarder en contrant leurs attaques et en les attaquant jusqu'à ce que l'énergie accumulée par le cristal ne devienne instable, puis de nous enfuir avant que tout n'explose.

    Ce plan ne me plaisait pas, parce qu'il la tuerait.

    Je décidai de leur lancer à toutes les cinq une décharge électrique capable de les assommer sans pour autant les tuer, promettant à Ichigo de l'emmener à l'abri lorsqu'elle serait inconsciente.

    À ce moment, les choses dégénérèrent. Cet espèce de Clown Bleu, qui ressemblait à l'un des nôtres mais protégeait constamment Ichigo (comme si elle avait besoin d'un autre protecteur que moi) pointa le bout de son nez pour parer mon attaque. Je détestais ce type. Il essayait clairement de me la voler, et je commençais à en avoir plus qu'assez de le voir interférer entre elle et moi.

    Je me précipitai pour l'affronter.

    Un peu trop.

    Beaucoup trop, en fait.

    Ne faisant même pas attention à ma garde et comptant sur ma vitesse et ma force, il me prit de court et m'entailla sérieusement le buste de part en part; du bas des côtes gauche à l'épaule droite. La douleur me fit presque immédiatement perdre connaissance.

    ---

    Tout ce que je savais, c'était que notre fameux "dieu" avait pu absorber une partie de l'énergie dégagée par le cristal, et qu'il s'était opposé à la volonté des deux autres de me soigner, déclarant qu'il n'avait "plus besoin de moi".

    Évidemment.

    Comme si qui que ce soit qu'on appelait "dieu" pouvait s'avérer être juste et généreux.

    Comme si le fait que je m'étais presque mis à croire en lui et à espérer quelque chose de lui, ou de la vie en général, allait compter à ses yeux.

    À mon réveil, je m'étais contenté de partir sans répondre à leurs "Où est-ce que tu vas ?" ni prêter attention aux "Tu es gravement blessé, il faut que tu te reposes !". Je n'avais plus envie de rester dans cet endroit où ce faux dieu pouvait m'observer, me juger et me diriger, ... et je n'avais pas plus envie que ça de guérir de cette blessure. J'avais finalement eu ce que je voulais en acceptant cette mission ! ... Ce jour me semblait d'ailleurs tellement loin.

    ---

    Je contemplais la ville, la plaie désinfectée et recousue tant bien que mal par Pai me faisant toujours atrocement souffrir.

    Finalement, pourquoi n'avais-je toujours pas exterminé tous les humains à l'heure actuelle ? Je souffrais, et eux, ils étaient heureux et ignorants. Comme toujours. Ils n'avaient jamais cessé de l'être, mais... pendant un certain temps, j'avais plus ou moins cessé de le voir.

    Pourquoi rien ne s'était passé comme prévu, déjà...? Pourquoi n'avais-je pas pu tuer cette vermine humaine aussi facilement que je l'avais fait, petit à petit, lorsque je parcourais encore le monde ?

    Les humains n'étaient pas devenus plus forts. C'était moi qui étais devenu faible.

    J'avais été obsédé par cette histoire de jouet. Par ce sentiment d'être vivant et... quelque part, plus ou moins heureux de l'être, qu'Ichigo me procurait lorsque je l'ennuyais. Elle m'avait détourné de ma mission, me forçant à ne me focaliser que sur elle, sur la prochaine fois où je pourrais voir son sourire disparaître, sur la prochaine excuse que j'inventerais pour aller m'amuser avec elle, sur comment faire échouer chacun des plans un peu trop parfaits des deux autres pour m'assurer qu'elle ne serait pas blessée.

    Je faisais tout ça pour elle, mais elle continuait à me blesser, même indirectement, et m'avait finalement enlevé la seule "utilité" que j'avais pu trouver à ma vie en me rendant inutile aux yeux de celui qui représentait le souhait et l'avenir de mon peuple.

    Tout était de sa faute. Tout. Depuis le début.

    Et j'allais le lui faire payer.

    ---

    Les deux autres semblaient avoir un plan "infaillible". Les derniers n'avaient pas été mauvais, c'était moi qui les avais fait échouer pour la plupart, pour protéger cette créature démoniaque que j'avais prise pour un innocent et gentil chaton. Je les surveillais de loin, tachant de ne pas me faire remarquer, mais m'assurant qu'ils ne la tueraient pas avant que je n'aie pu me venger d'elle.

    Ils semblaient l'avoir endormie et avoir envoyé un de leurs monstres, avec son apparence, pour... piéger ses amies ? Plutôt ingénieux, j'étais bien forcé de le reconnaître. Je les entendis, au loin, vaguement évoquer le fait qu'elle ne pourrait jamais se réveiller de l'emprise de leur monstre, quelque chose comme ça. Ce qui ne m'arrangeait pas. Comment allais-je lui faire payer si elle dormait à jamais ?

    ---

    La douleur me reprit, manquant de peu de me faire à nouveau sombrer dans l'inconscience. Pai s'apprêtait à lui porter le coup fatal. Je me téléportai à côté de lui pour l'arrêter, à sa grande stupéfaction. Je devais rester conscient, combattre la douleur, parce que ce serait probablement la dernière occasion que j'aurais.

    - Si quelqu'un doit la détruire, ce sera moi !

    La douleur et la colère me firent entendre une voix que je ne me connaissais pas, et mon expression faciale devait être plutôt effrayante aussi, vu leurs têtes. Peu m'importait. Même si cela devait être le dernier souvenir qu'ils aient de moi, peu m'importait.

    Je parvins assez facilement à la réveiller, contrairement à ce à quoi je m'attendais, et elle se transforma quasi-instantanément. Ses amies apparurent de je ne sais où, honnêtement je n'en avais pas grand-chose à foutre, et elles détruisirent le "puissant monstre" de Pai, comme pour changer. Alors que je descendais vers elles, sur le toit de cet immeuble, il murmura quelque chose à propos de "forts sentiments pour elle"... Là encore, je n'en avais rien à foutre. Je voulais simplement me venger de tout ce qu'elle m'avait fait.

    Je me surpris à lui poser la question, probablement pour la dernière fois.

    - Ichigo, choisis. Sois tu acceptes d'être à moi, soit... je te tue.

    - Comment ça...?

    - Si tu veux vivre, tu n'as pas d'autre choix que de m'appartenir.

    Elle ne réagit pas. Je sortis mes saïs et m'élançai vers elle, pointant mon arme droit vers son cœur.

    Étrangement, elle n'eut absolument aucun mal à m'esquiver...

    - Arrête de dire n'importe quoi !

    Déjà à bout de force, mes jambes choisirent ce moment pour faiblir, me faisant tomber contre elle, plus précisément (presque) dans ses bras. Allez savoir pourquoi, mais elle eut le réflexe de me rattraper, ou en tous cas, de me soutenir.

    - Écoute ce que je te dis ! ... Fait chier... Fait chier...

    Je me sentais de plus en plus proche de l'évanouissement, ma petite tentative d'assassinat n'ayant pas vraiment aidé à réduire ma douleur, tout au contraire.

    - Kisshu ?

    C'était la première fois que j'entendais sa si jolie voix d'aussi près... je pense. La première fois aussi qu'elle disait mon prénom sans s'énerver. J'avais même pu sentir son souffle chaud et doux contre l'arrière de mon oreille. Sa voix me semblait... presque inquiète. Je ressentis à nouveau cette drôle de sensation de chaleur dans ma poitrine.

    - Pourquoi ? Pourquoi n'es-tu pas capable... de comprendre ce que je ressens, Ichigo ?

    Réalisant probablement à peine qu'elle m'avait aidé l'espace d'un instant, elle me lâcha d'une main, laissant mes genoux heurter le sol, mes jambes refusant désormais complètement de me porter. Je me sentais de plus en plus faible, la colère et l'énervement avaient fait place à de la tristesse. Tout ce que j'étais capable de penser, c'était "Pourquoi ?". Pourquoi ?

    - Pourquoi... Ichigo ?

    Je m'écroulai au sol, la douleur m'emportant finalement vers... vers quoi, d'ailleurs ? Étais-je en train de mourir, ou simplement de perdre connaissance ? Avant que mon esprit ne devienne noir, j'entendis les voix des deux autres, comme s'ils se trouvaient très loin tandis que je sentais leurs mains me relever, puis plus rien.

    ---

    Ils m'avaient finalement ramené là-bas, et après quelques semaines à ne pas pouvoir correctement me servir de ma main droite, mon poignet ayant été froissé lorsque je m'étais effondré, j'étais plus ou moins guéri. J'avais une cicatrice pas forcément jolie, mais j'avais survécu et la plaie s'était refermée. C'était assez réconfortant de pouvoir me dire que si l'un de ces humains miteux avait reçu la même blessure, il en serait mort quasiment sur le coup...

    Je n'appréciais toujours pas spécialement Pai et Taruto, mais je devais connaître qu'ils étaient plus sympathiques que je ne le pensais. Enfin, juste un peu.

    Durant ces semaines de convalescence, j'avais eu tout le temps de me remettre à penser à... tout ce à quoi je n'avais pas envie de penser. Je n'avais rien d'autre à faire, ne pouvant pas bouger (ou aussi peu que possible) pour guérir, et ainsi pouvoir vite quitter cet endroit.

    J'avais notamment pas mal pensé à ce que j'avais dit à Ichigo. Notamment la partie "tu ne comprends pas ce que je ressens". En fait, pour qu'elle puisse le comprendre, peut-être faudrait-il déjà que je le comprenne moi-même... J'avais failli, même "voulu" la tuer, sur ce toit, mais c'était un peu comme si mon corps avait refusé d'exécuter ce que mon cerveau lui avait demandé. C'était la seule explication que je voyais au fait qu'elle ait pu esquiver mon attaque à ce moment-là. D'accord, j'étais blessé et clairement pas au meilleur de ma forme, mais j'aurais clairement dû l'embrocher sans problème... si je l'avais réellement voulu.

    La question était: pourquoi continuais-je à vouloir la protéger, la garder en vie, encore et encore ? Dans quel but ? Y avait-il d'ailleurs ou raison ou un but à cela, ou étais-je simplement devenu complètement fou ?

    ---

    J'allais à nouveau aller la voir. Je m'étais dit qu'il faudrait vraiment que j'arrête, mais... c'était toujours la seule chose qui me rendait un peu moins malheureux. Paradoxalement, c'était aussi la seule chose qui me rendait triste, voire fou de rage, parce qu'elle continuait encore et encore à rejeter les propositions que je lui faisais, mais les quelques sensations de non-malheur qui en découlaient valaient bien toute la peine du monde, finalement.

    J'avais beaucoup trop de mal à vivre en me sentant "vide" maintenant que je connaissais ce sentiment de chaleur qui emplit le cœur lorsqu'on n'est pas malheureux. Même la tristesse était préférable au vide, en fait.

    En somme, si Ichigo ressemblait à une drogue à laquelle j'aurais été accro avant, c'était encore pire maintenant. Depuis qu'elle avait prononcé mon prénom de façon si douce...

    En y repensant, ce fameux sentiment de chaleur revint, me faisant presque tourner la tête. Je voulais tellement la voir !

    Seulement, en la trouvant, je redescendis bien vite de mon petit nuage.

    Apparemment, ce serait bientôt ce que les humains appelaient la "Saint-Valentin". Cela la rendait tellement souriante que je me sentis obligé de me renseigner pour savoir en quoi cela consistait. Apparemment, les humaines offraient ce jour-là une sucrerie appelée "chocolat" à l'humain qu'elles "aimaient". D'après les brides de conversations que j'avais pu capter entre elle et ses amies, elle était enthousiaste à l'idée d'en offrir à Roméo... Cela eut tôt fait de chasser ce qu'il me restait de "bonne humeur" pour la semaine, voire le mois à venir.

    ---

    J'avais... Un peu pété les plombs. D'accord, beaucoup, à vrai dire. J'avais tenté, à nouveau, de convaincre Ichigo de partir avec moi. Leur fameux "dieu" était sur le point de se réveiller, ce ne serait qu'une question de semaines, et je savais qu'il me détestait (je l'avais d'ailleurs toujours su, même si j'avais bêtement fini par me plaire à croire que l'inverse était possible) et ne m'écouterait pas si je lui demandais de l'épargner. J'avais tenté d'avoir l'air intimidant et prêt à tout. J'avais également tenté d'être aussi gentil et compatissant que possible - après tout, c'était un peu normal qu'elle ne comprenne rien, elle n'était qu'une humaine et pas l'une des plus futée que j'avais pu voir.

    J'avais tenté de lui expliquer qu'il fallait que l'on s'en aille. Tous les deux. Vers un autre monde, une autre dimension, où nous n'aurions pas à nous battre, où elle n'aurait pas à mourir.

    Elle n'avait, à nouveau, pas compris. Elle avait encore refusé. Elle m'avait dit quelque chose comme "celui que j'aime, c'est Aoyama". C'était le nom qu'elle donnait à Roméo.

    Là, ce fut moi qui ne comprenais pas. "Que j'aime" ? Encore ce mot ? Je l'avais lu dans les explications sur la Saint-Valentin, sans parvenir à le comprendre ni à en trouver une définition satisfaisante ou concrète. Cependant, j'avais compris qu'il s'agissait d'un sentiment positif, et elle le ressentait apparemment pour cet abruti d'humain.

    Pourquoi elle ne voulait pas comprendre que, moi aussi, je ressentais des sentiments positifs à son encontre, et qu'ils étaient à n'en pas douter plus forts que toutes les imbécillités qu'elle pouvait penser éprouver pour qui que ce soit ?!

    ---

    Ca s'était assez mal terminé, j'avais plus ou moins perdu le contrôle de moi-même, sentant pour la énième fois (sans aucun doute, la fois de trop) quelque chose se briser en moi face à son refus, face à l'évidence qu'à nouveau, elle préférait que je la tue plutôt que de m'appartenir.

    Ce que j'avais d'ailleurs failli faire par accident. Roméo s'était pointé, j'avais réussi à le blesser. Pas autant que je l'aurais voulu puisque mon but était de me débarrasser de ce gêneur, mais bien entendu Ichigo ne m'avait pas laissé faire. Il s'était changé en ce fameux Clown Bleu qui semblait de mon espèce mais ne faisait que m'emmerder à chaque fois que j'allais réussir à avoir Ichigo.

    Finalement, la haine que je ressentais à l'encontre de Roméo et du Clown se rassembla. Je m'étais ensuite mis à l'attaquer de façon frénétique, j'avais même blessé Ichigo à un moment... probablement ? C'était assez flou, en fait. Ce dont je me souvenais, c'était que j'avais voulu faire s'écrouler un bâtiment sur lui, et qu'Ichigo s'y était jetée pour le sauver. J'avais bien cru l'avoir tuée. Mon sang n'avait fait qu'un tour, mon cœur m'avait fait si mal, des milliers de pensées avaient traversé mon esprit - comment ? pourquoi ? qu'est-ce que j'ai fait, bon sang ?!

    ---

    Elle m'avait demandé de ne plus l'ennuyer. M'avait dit qu'elle était amoureuse de ce gars-là, et qu'elle ne voulait pas que je lui fasse de mal... ni partir avec moi.

    ---

    Je regardais le soleil se coucher, depuis le haut d'un immeuble. Les températures redevenaient chaudes, un peu à la fois. Ca semblait plus ou moins cyclique sur cette planète. Sur celle où se trouvaient les autres, ceux de mon espèce, il faisait froid sans arrêt. La chaleur de cette supernova était plutôt agréable, j'aimais beaucoup en profiter. Même si je savais qu'il était injuste que je sois le seul - avec Pai et Taruto - à pouvoir la ressentir. Le ciel aux couleurs du crépuscule me replongea inévitablement dans mes pensées mélancoliques. Plus les mêmes qu'avant, cependant.

    Elle préférait que je la tue plutôt que de me suivre, si on ne lui laissait que ces deux choix.

    Étais-je si horrible, ou était-elle comme moi, n'attendant que d'être tuée par autrui parce qu'elle n'avait pas le droit (ou pas le courage) de mettre fin à ses jours elle-même ?

    D'ailleurs, ... étais-je toujours comme cela, finalement ?

    C'était complètement stupide et irrationnel - j'avais probablement été contaminé par ces traits des humains à force de rester à proximité d'eux - mais finalement, Ichigo n'était-elle pas, en quelque sorte, la raison qui me poussait à continuer à vivre, désormais ?

    Pourquoi me battais-je toujours ? Deep Blue avait bien spécifié qu'il ne voulait plus de moi, qu'il me haïssait et ne voulait absolument plus de mon aide. Alors pourquoi ne pas simplement aller voir ces filles, ou même Roméo, et demander à ce qu'on m'achève ? Outre la fierté, j'entends (je ne ferais jamais un tel plaisir à Roméo, évidemment).

    ... Parce que, même si c'était irrationnel, je voulais "sauver" Ichigo. Je ne voulais pas que ce faux dieu la tue en s'éveillant. Je ne voulais pas la perdre. Je voulais passer du temps avec elle.

    Je n'espérais pourtant plus qu'elle me suive, et je savais qu'elle me détestait... Alors pourquoi ?

    ---

    J'avais fini par trouver une raison - ou plus exactement une excuse - pour continuer à vivre, en dehors d'Ichigo. Je n'avais pas confiance en Dieu. Ni en lui, ni en personne se faisant passer pour tel. Ma mission depuis le départ était de sauver les miens, ... et j'allais la mener à bien, avec ou sans l'aide d'une quelconque divinité.

    Tout ce qu'il me fallait faire, c'était trouver un autre être suffisamment puissant.

    Et je l'avais très certainement sous les yeux depuis déjà bien trop longtemps.

    ---

    J'avais réussi à attirer Ichigo, ses amies et Roméo - enfin, "Aoyama" - dans une autre dimension, une sorte de labyrinthe où j'avais réussi à les piéger. Séparément, bien entendu. Je me devais de vérifier mes théories concernant le pouvoir du Clown Bleu, et pour cela, il me fallait me retrouver seul à seul avec Aoyama.

    J'avoue, j'avais un peu profité de cette expérience pour exprimer toute la colère que je nourrissais à son égard. J'avais pris le temps de lui expliquer tout ce que je lui reprochais; il avait interféré avec mon travail de récupérer la Terre, et à cause de cela, Deep Blue m'avait abandonné. Mais ça n'avait plus vraiment, ou plutôt ça n'avait jamais eu une très grande importance pour moi.

    Du moins, je tentais de m'en convaincre.

    Le plus important étant que c'était entièrement de sa faute si Ichigo ne voulait pas être mon jouet. C'était ce qu'elle avait dit, non ? Qu'elle ne viendrait pas avec moi à cause de lui...

    J'avais pris le temps de m'amuser à le faire souffrir autant que possible, sans le tuer. À le faire souffrir autant que j'avais souffert, toutes ces fois où elle m'avait rejeté par sa faute.

    J'en souffrais d'ailleurs toujours.

    Cela faisait partiellement partie du plan; il me fallait m'assurer qu'il ne pouvait pas se transformer à volonté, et qu'il ne pouvait donc pas se mettre en travers de mon chemin, tant qu'Ichigo n'était pas tout près. Mais j'y étais allé de bon coeur et avais trouvé cette partie du plan très plaisante.

    Une fois que j'eus confirmé qu'il ne se transformait pas, quoi que je fasse, sans Ichigo, il ne me restait qu'à blesser cette dernière, qui se trouvait quelque part dans cette fausse montagne labyrinthique. Ce fut assez simple à faire, à vrai dire; il me suffisait d'électriser toute la montagne jusqu'à ce qu'un des éclairs ne la touche. Je saurais ainsi s'il était possible à ce Clown d'apparaître si elle était en danger, mais loin de lui.

    Ca n'arriva pas, j'en conclus donc que ça lui était impossible si elle était loin.

    Il avait eu la mauvaise idée de me faire un ravissant discours sur à quel point Ichigo et lui étaient proches, réalisant lui-même à l'instant qu'il ne devenait effectivement cet espèce de Clown que quand elle le souhaitait, que lorsqu'"elle l'appelait". Il disait clairement ça pour me narguer, parce que nous savions tous les deux que, moi, elle ne m'appellerait jamais... La mauvaise idée de me mettre en colère, alors qu'il était sans défense, bloqué sous sa forme humaine, lamentable et fragile.

    Finalement, j'allais abréger ce plan. Puisqu'il était incapable de se transformer, ici et maintenant, j'allais le tuer sans attendre et récupérer son âme, contenant sa puissance.

    Je n'avais besoin de rien d'autre.

    Alors que je fonçais sur lui, saï à la main, une chose encore plus intéressante que ce que je voulais au départ se produisit. Ichigo fut capable de se "téléporter" juste à côté de lui... ce qui était un pouvoir qu'elle ne possédait assurément pas.

    Il allait finir par se transformer, c'était inévitable puisqu'elle était désormais à nos côtés. Je décidai de revenir au plan de départ: évaluer sa puissance. Pour cela, il me fallait le pousser à bout, et pour cela, il me fallait... jouer avec mon jouet ♪

    - Ne t'en fais pas, il n'est pas pas encore cassé.

    - Kisshu !

    - Avant que ça n'arrive, je dois le faire souffrir encore plus.

    Je lançai un éclair entre eux, les envoyant valser (enfin, surtout le corps désormais inanimé d'Aoyama, le but n'étant pas de (trop) blesser Ichigo) loin l'un de l'autre.

    Je la bloquai au sol, croisant mes saï au-dessus de sa gorge, les plantant dans le sol de chaque côté de son cou, et restant debout au-dessus d'elle, d'une part pour éviter de lui laisser à nouveau accès aux parties sensibles de mon corps comme j'en avais fait l'erreur peu après notre rencontre, d'autre part pour me tenir prêt à combattre le Clown bleu. Oh, d'ailleurs, ils l'appelaient "Chevalier Bleu" entre eux, mais "Clown" lui allait tellement mieux !

    - Une mort certaine t'attend. Il n'y a plus personne pour te sauver à présent. Ichigo, cette expression sur ton visage... C'est sûrement ce qui le fait le plus souffrir en ce monde. Étrange qu'il ne se transforme pas, hein ? Il est probablement cassé, finalement.

    Je n'avais pas pu m'empêcher de rire d'une façon plutôt glauque, me donnant moi-même la chair de poule.

    - Mais au moins, maintenant, plus rien ne t'empêchera de devenir mon jouet, pas vrai ?

    - Même si Aoyama devait mourir... Même si Aoyama se mettait à me détester... Je ne partirais jamais avec toi ! Le seul que j'aime, c'est Aoyama ! S'il devait mourir, alors moi aussi, je...

    Elle se mit à pleurer, peut-être de tristesse, peut-être de colère... probablement un peu des deux. Ses joues étaient d'un très joli rouge, mais malheureusement, il ne m'était pas destiné. Elle préférait donc mourir plutôt que de vivre avec moi, et préférait également mourir plutôt que de vivre sans lui ? En somme, elle ne me détestait pas, elle tenait simplement à mourir, comme je le pensais, pas vrai ?

    - Vraiment ? Dans ce cas, permets-moi d'exaucer ton souhait !

    Je m'agenouillai autour de son corps si chétif , l'empêchant de s'échapper tandis que je reprenais mes saï, les levant pour me donner la force et l'élan nécessaire pour transpercer de part en part sa jolie poitrine.

    Bien entendu, ce n'est pas un geste que j'aurais achevé. Bien entendu, il s'agissait simplement d'enfin réussir à faire réagir cet abruti, toujours inerte quelques mètres plus loin... tout du moins je l'espérais, parce que s'il ne se transformait toujours pas pour m'arrêter, j'aurais vraiment l'air stupide, à m'arrêter moi-même.

    Heureusement, il s'était transformé. Nous avions donc entamé un "combat"... ou, disons plutôt qu'il tentait de me tuer tandis que je me contentais de parer ses coups, le but n'étant de toutes façons pas de gagner, mais juste de l'énerver autant que je le pouvais.

    - Ne touche pas à Ichigo !

    - Te voilà enfin, "Chevalier Bleu" ! Je vais faire souffrir Ichigo... juste devant tes yeux !

    Cela le mit hors de lui, et l'énergie monumentale qui afflua dans son corps le submergea littéralement. Il me fallait l'énerver davantage. Voir où se situait sa limite. Je pris un air et une voix aussi cinglés de possible, probablement semblables à cette fois où j'avais failli leur faire tomber un immeuble dessus et dont j'avais peu de souvenirs, pour faire plus réaliste.

    - C'est ça, c'est ça ! Je vais la détruire. Je vais détruire Ichigo !

    Sa puissance s'accrut davantage et ses yeux se révulsèrent. Il perdit complètement le contrôle de son propre corps et ne put que tenter de m'attaquer, certes avec énormément de force, mais sans même réfléchir. Il s'arrêta alors que la puissance qui l'habitait devenait trop dure à supporter pour son corps - humain, finalement - et poussa un hurlement, commençant à l'évacuer.

    Je téléportai les amies d'Ichigo auprès d'elle pour qu'elles puissent se (et surtout "la") protéger, le Clown perdant visiblement le contrôle de son propre pouvoir, qui dépassait de loin mes espoirs les plus fous !

    ---

    Il avait intégralement détruit la dimension dans laquelle je les avais piégés, et je les avais ramenés dans leur monde, qui avait lui aussi inévitablement subi des dégâts. Je m'en fichais pas mal bien entendu.

    J'avais trouvé ce que je voulais. Il ne me restait qu'à trouver le moment opportun. Il serait le véritable sauveur de mon peuple... d'une certaine façon.

    ---

    Pai et Taruto ayant détecté l'énergie déployée par Aoyama, ils m'avaient posé tout un tas de questions sur ce que j'avais fait, comment, pourquoi. Un peu d'aide n'étant pas malvenue, je leur proposai de se joindre à moi, leur dévoilant une partie de mon plan et des informations que j'avais pu recueillir.

    - Plutôt que d'attendre le réveil de Deep Blue, je me disais qu'il serait plus intéressant pour nous de voler le pouvoir du "Chevalier Bleu".

    - Quoi ?

    - Vous l'avez détecté, lorsqu'il a relâché son énergie. Il est vraiment puissant. Si nous nous en servons, nous pourrions très probablement rendre notre "nouvelle planète" habitable ! Qu'en pensez-vous ? Vous comptez m'aider ?

    - Kisshu... Espèce de...

    - Qu'est-ce qu'il y a, Pai ?

    - Est-ce que tu es conscient que tu parles de trahison ?

    - Bien entendu.

    Il eut l'air choqué. Je m'y attendais. Il avait toujours été du genre "inflexible" par rapport à Deep Blue, un vrai petit chien fidèle et obéissant, quoi qu'il lui demande de faire.

    - Taruto, qu'en est-il de toi ?

    - Je vais t'aider !

    - Taruto !

    - Si ce que Kisshu dit est vrai, nous pourrons sauver notre planète et tous ceux qui attendent là-bas !

    - Alors, Pai, que comptes-tu faire ?

    - Quoi qu'il arrive, je resterai fidèle à Deep Blue.

    - Vraiment ? Je me doutais bien que tu dirais ça...

    - La prochaine fois que nous nous croiserons, ce sera en tant qu'ennemis.

    ---

    Une fois seul avec Taruto, je lui avais expliqué mon plan plus en détail. Nous allions lâcher dans la ville une armée constituée de tous les monstres que nous avions créés jusqu'à présent, dont j'avais pris soin de garder l'ADN et que j'avais recréés, pendant les nombreux moments de temps libres que j'avais eus. Au départ, cela devait servir à lancer une attaque massive sur la Terre pour accélérer la cadence de la mission, mais finalement, ça n'allait être qu'une distraction afin qu'Ichigo soit trop occupée pour chercher Aoyama, et que nous puissions lui prendre son âme sans courir le risque qu'il ne se transforme.

    ---

    Après un long moment à le chercher, nous l'avions trouvé.

    Cependant, je n'arrivais pas à lui prendre son esprit. Un peu comme avec la copine blonde d'Ichigo, qui s'était finalement avérée être une de ses coéquipières, mais en... encore plus fort. Il était pourtant sous sa forme humaine, ç'aurait dû être enfantin de le lui prendre !

    Il dégagea une grande quantité d'énergie, stoppant net ma tentative, alors qu'il ne s'était même pas transformé. Ca n'était pas normal !

    Taruto suggéra de simplement l'emmener avec nous, disant que nous finirions bien par trouver un moyen de lui prendre son âme. Il n'avait peut-être pas tort... Mais ça restait bizarre. Même incompréhensible.

    Ichigo arriva là où nous nous trouvions, m'aboyant de ne pas toucher à son "Aoyama-kun". Sa façon de l'ordonner me surprit tellement que je m'exécutai. De toutes façons, elle était là, il allait donc se transformer et, même s'il était inconscient pour le moment, mieux valait ne pas prendre le risque d'être juste à côté de lui, surtout dans une posture loin d'être défensive. Je m'écartai et elle s'approcha de lui en l'appelant. Il réagit et dégagea à nouveau l'énergie de sa transformation, alors qu'il n'avait pas repris connaissance.

    Cette transformation était différente de toutes les précédentes. Il était bien plus puissant. Pendant un instant, je sentis s'activer le "pouvoir" d'Ichigo - celui de faire raisonner l'eau bleue - et tous les cristaux de la ville convergèrent vers elle, puis vers lui. Il avait probablement, d'une façon ou d'une autre, le pouvoir de l'activer comme bon lui semblait, surtout lorsqu'elle était troublée comme ça devait être le cas à cet instant. C'était la même chose que dans cette autre dimension, lorsqu'elle était arrivée entre nous. J'avais immédiatement soupçonné son âme d'abriter un cristal, qui avait répondu au cœur d'Ichigo, non pas en allant à elle mais en la faisant venir à lui. C'était la seule explication, à la téléportation d'Ichigo à ce moment-là, comme à toute sa puissance actuelle.

    Et le fait qu'il rassemble tous ceux de la ville en lui ne présageait rien de bon, ni pour nous, ni pour lui, ni pour l'humanité tout entière, étant donné qu'il avait déjà du mal à contrôler le pouvoir de celui qu'il avait au départ...

    ---

    Contre toute attente, et à la surprise générale, le corps d'Aoyama était parvenu à assimiler la puissance de tous les cristaux qui s'étaient rassemblés, et avait pris la forme... de Deep Blue.

    Tandis que Taruto et moi nous étions hâtés derrière des buissons non loin de là, Pai expliquait à Ichigo et à ses amies qu'Aoyama et le "Chevalier Bleu" n'étaient en fait que des parties de l'esprit de Deep Blue, qui s'était finalement éveillé. Ca expliquait pourquoi je les détestais tellement, tous les trois.

    - L'esprit de Deep Blue est resté sur Terre et a vécu durant des milliers d'années dans l'ADN d'humains de cette planète, qui ont donc successivement hérité de son esprit en repos. Lorsque cet esprit a tenté de se réveiller, il n'avait aucun moyen d'y parvenir. Jusqu'alors, seuls deux parties les plus "humaines" de l'esprit de Deep Blue, Aoyama et le Chevalier Bleu, étaient apparues. Pendant ce temps, le véritable esprit de Deep Blue, existant dans une autre dimension, nous a sommés de venir ici depuis notre nouvelle planète lointaine. Désormais, Deep Blue s'est éveillé. Désormais, les deux autres esprits que ce corps contenait n'étant plus utiles à Deep Blue, ils ont été tout simplement effacés à jamais.

    Finalement, j'appréciais peut-être un peu Deep Blue ! ... Comme si. Son éveil était un imprévu vraiment inattendu et plus qu'indésirable, à vrai dire.

    Ichigo n'arrivait pas à comprendre - curieux, ça ne lui arrivait pourtant pas souvent ! ... et voilà que je me remettais à faire de l'humour, dans un moment pareil. Elle refusait de comprendre, pour être plus précis. Elle semblait croire dur comme fer que l'être qui se tenait en face d'elle était toujours Roméo. Elle s'approcha de lui pour lui montrer l'espèce de collier pour chat qu'il lui avait offert le lendemain du jour où je l'avais embrassée... et il l'envoya gentiment valser - le collier, pas Ichigo. Elle se laissa tomber à genou devant lui, en larmes.

    J'étais pourtant le seul à avoir le droit de la faire pleurer.

    Ses amies attaquèrent, mais furent envoyées au tapis en moins de temps qu'il n'en aurait fallu pour le dire. Ichigo, quant à elle, refusait toujours de voir la vérité en face, et refusait de se battre "contre Roméo". La voir aussi triste et perdue me faisait presque de la peine...

    Deep Blue leva son épée pour y accumuler de l'énergie. Il comptait réduire la population mondiale à zéro en un seul coup, quelques minutes à peine après être apparu ?!

    - Ichigo ! Si son épée touche le sol, toute la planète sera détruite !

    ... « M'entendis-je lui crier ». Pourquoi je lui avais dit ça, au juste ? J'en avais ressenti le besoin, mais ça n'était pas comme si elle pouvait y faire quoi que ce soit. Même moi, je ne pouvais rien y faire.

    J'avais peut-être envie d'une "dernière parole" ? De lui montrer, en la prévenant, une dernière fois que je tenais à elle ?

    Depuis quand est-ce que je "tenais" à elle, d'ailleurs ? Depuis quand elle n'étais plus juste "un jouet" que je voulais posséder...? Et depuis quand m'inquiétais-je de lui faire bonne impression ?

    Pai et Ichigo parlèrent, je ne sais pas très bien de quoi, le crépitement de la future attaque qui allait nous tuer étant vraiment bruyant. J'avais vaguement compris qu'il lui expliquait que la Terre devait être "remise à zéro" avant que nous puissions appeler nos "camarades" à venir y vivre, puis qu'elle lui répondait que tout le monde mourrait, que c'était égoïste, ce à quoi il lui rétorquait que les humains étaient égoïstes... quelque chose comme ça.

    Deep Blue ayant fini de charger son attaque, il ancra son épée dans le sol. L'onde de choc qui en résultat détruisit une grande partie de la ville de Tokyo, mais je m'étais trompé: évidemment qu'il ne pouvait pas raser tout ce qui se trouvait à la surface de la Terre cinq minutes après s'être réveillé. Heureusement, d'ailleurs. Cela signifiait également qu'il était encore possible de le vaincre... très, très difficile, mais possible.

    Il leva à nouveau son épée, apparemment décidé à éliminer Ichigo. J'allais devoir lui faire confiance pour survivre par elle-même encore un peu. Si ce à quoi je pensais était faisable, il me fallait une meilleure opportunité que celle-là...

    ---

    Ichigo était parvenue à entrer dans la forteresse de Deep Blue, grâce au sacrifice de Taruto. Pai avait décrété que la forteresse servirait à augmenter les pouvoirs de Deep Blue, et qu'il s'en servirait pour détruire l'humanité ainsi que tout ce qu'elle avait créé. C'était ce que Deep Blue lui avait dit.

    S'il avait passé moins de temps à jouer les gentils toutous et un peu plus à gland- ... à lire, comme moi, il aurait su que cette forteresse n'avait rien de "l'arme de guerre ultime" dont il parlait. Deep Blue comptait simplement s'y abriter pour pouvoir tranquillement détruire tout ce et ceux qui se trouvaient à l'extérieur. Pai compris.

    Et c'était ça qui était censé sauver notre peuple ? Un "Dieu" auto-proclamé prêt à sacrifier le plus fidèle de ses disciples pour ne pas avoir à trop se fouler ?!

    ---

    Je tremblais. Je sentais ma poitrine se serrer, et j'avais du mal à respirer normalement. J'avais peur.

    Pourtant, il le fallait. Quitte à mourir, ce ne serait certainement pas en vain. Je devais faire une dernière chose pour elle. ... Ou peut-être était-ce "une première chose", au moins de son point de vue, finalement ?

    J'attendais, caché derrière l'une des colonnes supportant le dôme en verre de la salle où se trouvait Deep Blue. Je savais qu'il ne m'avait pas remarqué, parce que si ç'avait été le cas, il m'aurait déjà tué. Elle approchait, inconsciemment guidée par l'écho du cristal qui se trouvait en Aoyama - ou plutôt en Deep Blue.

    Peut-être avait-elle une chance de gagner ?

    ---

    À l'évidence, non. Aucune. Il lui avait suffi de quelques attaques, qu'elle avait pourtant esquivées (de justesse, mais esquivées !) pour qu'elle baisse les bras. Ou peut-être était-elle tout simplement déjà épuisée. Ichigo était à la fois si forte et si faible, après tout...

    Il s'apprêtait à lui lancer une dernière attaque, qu'elle ne pourrait de toute évidence pas esquiver. Qu'elle n'essaierait de toute évidence même pas d'esquiver. Elle devait ressentir que ce combat était perdu d'avance, même avec son niveau d'insouciance et de positivisme...

    J'intervins. Je me téléportai entre eux, posant immédiatement un genou à terre, sachant qu'un seul faux pas suffirait à trahir mes intentions. Ce qui rendrait ma mort veine, et celle d'Ichigo inévitable. Je priai intérieurement pour que ma voix ne tremble pas trop.

    - S'il vous plait, attendez, Deep Blue.

    - Kisshu ?

    Encore cette voix, sans aucune trace de haine ni de colère. Juste de l'inquiétude. Je lui lançai malgré moi un regard assassin. « Ne fais pas tout rater en décidant que tu m'aimes bien au mauvais moment, crétine ! »

    - Qu'y a-t-il, être inutile ? Hors de ma vue !

    Je tournai le dos à Ichigo pour lui faire face, sans que mon genou ne quitte le sol, la tête aussi basse que possible pour sembler révérencieux, sans pour autant le perdre de vue et risquer de ne pas pouvoir esquiver une attaque surprise.

    - Deep Blue, je vous prie d'accepter mes excuses les plus sincères pour tout le manque de respect que j'ai pu avoir à votre encontre par le passé.

    Je me relevai, prenant garde à ne pas croiser son regard, à ce qu'il ne se doute de rien. Je fis un demi-tour et avançai vers Ichigo, qui se trouvait toujours à genoux par terre, comme si on l'y avait clouée. Elle me regarda avec ses grands yeux, désormais remplis de questions.

    - Kisshu ?

    Je ne pouvais pas non plus la regarder dans les yeux. Elle me trahirait trop facilement. Il fallait qu'elle y croie.

    - En guise d'expiation... je vous prie de me laisser prendre la vie de cette humaine à votre place.

    Je fis apparaître mes saïs, les questions dans ses grands yeux roses laissant place à de la peur. À de l'appréhension. Voyait-elle sa vie défiler devant ses yeux, comme les humains aimaient à penser que se passaient les derniers instants avant la mort...? En tous cas, son expression allait m'aider à le tromper.

    - S'il vous plaît, baissez votre bras. Les humains ne valent pas la peine que vous vous fatiguiez pour eux.

    - Hm. Tu demandes mon pardon ?

    - Oui. Tout sur cette planète vous appartient, Deep Blue.

    Le crépitement émis par l'énergie de l'attaque qu'il préparait disparut. J'avais réussi.

    - Cependant...

    Je me téléportai immédiatement à côté de lui, plantant la pointe de mon saï au niveau de sa jugulaire.

    - Espèce de...

    Mon bras ne voulait pas terminer le geste. Je devais lui planter l'autre dans le coeur, assez rapidement pour qu'il ne puisse pas esquiver. Je me mis à lui parler, au lieu de simplement le tuer.

    - Votre cupidité vous a fait baisser votre garde. Tout ce que vous voulez, c'est garder cette planète pour vous seul. Vous n'avez jamais eu l'intention d'utiliser votre puissance pour sauver notre nouvelle planète comme vous nous l'aviez promis.

    Il me lança un regard tellement neutre et glacial, tellement indifférent, que j'aurais pu en être dérouté si mon cerveau n'était pas déjà en train de se poser des milliers de question à la seconde. Pourquoi racontais-je tout ça ? Avais-je à ce point besoin de reprocher des choses aux gens, plutôt que de simplement les tuer ? ... Oui, probablement, d'une certaine façon. Même si je parvenais à le tuer maintenant, cela m'exposerait entièrement et il aurait largement le temps de me porter un coup tout aussi fatal. Je le savais depuis l'instant où j'avais échafaudé ce plan.

    Je voulais qu'elle sache pourquoi j'avais décidé de me sacrifier, pourquoi j'avais décidé de le tuer. Il fallait qu'elle sache.

    - Si vous voulez la Terre à ce point, prenez-la. Mais je ne vous laisserai jamais avoir Ichigo !

    Quel était ce sentiment ? Il y avait de la colère, de la peur, mais aussi... autre chose. Encore une fois cette sensation de chaleur dans la poitrine, lorsque je prononçai son prénom... Jusque là, j'avais attribué ça à la sensation "d'être en vie", mais en quoi dire "Ichigo" me rendait-il plus "vivant" ?

    - Finalement, tu m'auras trahi jusqu'à la fin ?

    - Exactement.

    Gardant mon saï droit contre sa jugulaire pour l'empêcher de bouger, j'armai un coup que j'espérais de tout mon cœur lui être fatal avec le gauche. La survie d'Ichigo en dépendait.

    - MEURS !

    Donnant autant d'élan et de précision que possible à mon coup, je visai directement son cœur. Il fut plus rapide. Son épée passa entre deux de mes côtes pour aller déchirer mon poumon droit, et ressortir dans mon dos. Enfin, je le supposais, pour le poumon. Je n'avais jamais été très doué en biologie, mais ce genre d'organes n'étaient pas trop compliqués à situer. Merde !

    Je restai embroché sur sa lame pendant quelques secondes qui me parurent une éternité, avant qu'il ne m'envoie valser au sol, et que je n'atterrisse juste devant Ichigo. Elle cria mon prénom, je pense. J'avais les oreilles qui bourdonnaient pas mal... Elle me prit délicatement dans ses bras, relevant la partie supérieure de mon corps. Ca faisait un mal de chien, mais je n'aurais voulu qu'elle me lâche pour rien au monde.

    Peut-être Dieu existait-il, en fin de compte...?

    J'ouvris péniblement les yeux pour voir un visage inquiet et triste, que je ne lui avais jamais connu jusqu'à présent.

    - J'ai sûrement été chanceux d'avoir pu passer tout ce temps avec toi... Ichigo.

    Ses jolis yeux s'emplirent de larmes, et sa gorge se noua, rendant sa respiration sanglotante. La voir ainsi me fit un pincement au cœur... en plus de la douleur déjà présente alentour, et de la sensation de chaleur qui y était également revenue. Je savais que j'allais mourir, mais je restais calme. Sûrement parce que j'étais dans ses bras.

    - Tu pleures, Ichigo ?

    Ma vie défila en quelque sorte devant mes yeux... comme les humains le pensaient. Enfin, c'étaient plutôt quelques bons souvenirs que j'avais d'elle que je revoyais, et non pas toute ma vie. La chance ! Dieu existait donc bel et bien...

    Cela me rendait... Triste et heureux à la fois. Probablement "nostalgique". J'aurais tant aimé retourner à cette époque, pourtant pas si lointaine, où tout ce qui m'importait était de savoir si elle viendrait ou non avec moi la prochaine fois que je menacerais sa vie (tout en sachant pertinemment, pour ma part, que je ne la tuerais pas). J'étais en train de mourir, de plus en plus de mon sang gisant sur le sol et emplissant mon poumon, rendant ma respiration de plus en plus difficile, mais tout ce à quoi j'arrivais à penser, c'était que je ne voulais pas que ça s'arrête. J'aurais pu souffrir ainsi pendant mille ans si en contre-partie, je pouvais rester comme ça, auprès d'elle...

    Tiens, n'était-ce pas ça, ce fameux mot de la Saint-Valentin ? "Aimer" ? C'était quoi la définition, déjà ? « Être amoureux, éprouver de l'amour, de la tendresse, de l'affection pour quelqu'un » ?

    Amoureux... Étais-je amoureux d'elle ?

    Je n'en étais pas sûr, mais j'avais l'intuition que c'était exactement ça. Et je n'avais plus vraiment le temps de chercher un mot correspondant mieux à mes sentiments, de toutes façons.

    - Ichigo... J'ai quelque chose de bien à te dire.

    Sentant ma voix faiblir et ma vision se brouiller, je fis mon possible pour m'approcher de son visage, afin d'être sûr qu'elle m'entende, même si cet effort m'était douloureux comme jamais. Finalement, ç'allait être moi, dans le rôle de Roméo. Même si ma Juliette en préférait un autre...

    - Je t'aime.

    J'eus le temps de voir ses yeux s'écarquiller et ses joues rougir très légèrement, de ce si joli rouge qui m'était cette fois-ci destiné, avant que tout ne devienne noir... puis je l'entendis doucement hurler mon nom, dans ce qui ressemblait à un élan de rage, de tristesse et de désespoir. Comme si elle venait de perdre quelqu'un qui avait compté pour elle.

     

    Finalement, ça devait probablement ressembler à ça, le bonheur.

     

    • Oneshot ~ Le bonheur ♪

    Ok donc je viens de mettre quasiment une heure à juste vérifier les grosses fautes (soulignées par le correcteur), relire vite-fait le début avant de me rendre compte que j'avais mis une demi-heure pour lire 5 "parties" (séparées par les ---), et mettre les couleurs vite-fait pour vous le poster ce soir x'D

    Donc désolée pour les fautes d'accords ou de conjugaison qui pourraient encore s'y trouver, je les chercherai demain !

    Pour parler plutôt de l'histoire; on a là un Kisshu qui ne sait pas trop quoi croire ou penser, qui est né sur la planète de glace, apparemment sans famille, qui ne connaît que la misère, la tristesse et la souffrance, et qui en veut plus ou moins au monde entier pour ça... Et petit à petit, au cours de l'histoire, il devient - selon moi - de plus en plus mûr, de plus en plus humain aussi d'une certaine façon, jusqu'à finalement comprendre pourquoi cette fille l'obsédait autant.

    J'avoue que j'ai failli pleurer en écrivant la fin !

    Et j'ai un second aveux à faire.

    Ce oneshot est en fait le début de deux histoires différentes.
    Un oneshot, et une fiction.

    Ca n'est donc pas la toute fin de cette histoire !

    Je ne vous en dirai pas plus, si ce n'est que j'écrirai d'abord les oneshots (puisque c'est plus rapide) ♪
    Ils seront très probablement assez courts mais c'est pas la taille qui compte, pas vrai ? :p

    Edit: Le oneshot: Le bonheur trouvé  
    La fiction: Seconde chance

    Mettez-moi plein de commentaires pour me récompenser d'avoir écrit un truc aussi long en deux petits jours s'il vous plait, je veux absolument les avis de toutes les personnes qui l'ont lu !! >.<"
    (Surtout que j'ai plus ou moins testé une autre façon de raconter
    et de présenter l'histoire donc j'veux savoir si ça plaît ou pas !)

    Pardon pour ce "post-chapitre" beaucoup trop long,
    Bisous ♥


    10 commentaires
  • Cette histoire est la suite du oneshot "Le bonheur"
    Cependant, vous pouvez également la lire en ayant simplement vu l'anime dans son entièreté :3

    • Oneshot ~ Le bonheur trouvé ♪

    Elle avait fait son choix. Elle l'avait choisi. Lui. Pas moi.

    ---

    J'ignorais toujours comment elle avait pu se débarrasser de Deep Blue, et comment Aoyama, qui était censé avoir complètement disparu comme l'avait sciemment affirmé Pai, pouvait se tenir devant nous, le corps inerte d'Ichigo dans ses bras. Elle s'était servie du cristal en lui pour redonner vie à la planète et à tous ses habitants, puis avait choisi de lui donner sa vie. Tout comme j'avais choisi, un peu plus tôt, d'offrir la mienne pour elle.

    Pai et Taruto m'avaient rejoint, et tout ce que nous pouvions faire pour eux - enfin, pour elle, c'était de les téléporter hors de cette forteresse. Nous rejoignîmes ensuite le vaisseau que Pai et Taruto avaient utilisé pour venir (le mien étant trop petit, et de toutes façons au milieu de l'océan, dans un endroit appelé "carré de quelque chose", si mes souvenirs étaient exacts), et détruisîmes la forteresse avant qu'elle ne s'écrase sur Tokyo.

    Je ne pus m'empêcher, alors que nous nous éloignions avec le dernier reste de cristal d'eau bleue, dans le but de l'utiliser pour rendre notre planète aussi habitable que la Terre, d'utiliser les caméras du vaisseau pour regarder Ichigo une dernière fois.

    Pourquoi ? Pourquoi était-elle... morte, alors que j'avais pourtant tout fait pour la sauver ? Pourquoi avait-il fallu que cet abruti d'humain ne meure ?

    C'était bien la première fois que je pensais une telle chose à son sujet. Moi qui avais tant de fois espéré qu'il ne disparaisse tout simplement de la surface de la Terre, et si possible de la mémoire d'Ichigo par la même occasion...

    Il s'était penché pour... embrasser son corps sans vie, apparemment. J'ignorais si c'était quelque chose de socialement accepté chez les humains, mais je trouvai cela tellement déplacé, tellement malsain.

    ---

    Contre toute attente, ce baiser lui avait redonné vie. C'était bien la première fois que j'étais heureux à l'idée que ce crétin ne puisse l'avoir touchée.

    - Ichigo est vivante ! Ils ont réussi !

    - Oh, devrions-nous retourner sur Terre ?

    La remarque de Pai était plus qu'évidemment sarcastique, bien que sans méchanceté...

    Bien que ça me comble de joie, cela ne me disait rien de bon. Ça n'aurait pas dû avoir ce genre d'effet. Qu'Ichigo ait été capable de lui redonner vie était relativement logique: elle avait forcément assimilé ne serait-ce qu'un peu de cristal d'eau bleue, grâce à son habilité à le faire raisonner. Toutes les personnes ayant ce pouvoir en avaient un peu en eux, et elle avait été davantage en contact avec l'eau bleue (et avait donc eu plus d'occasion d'en absorber) que n'importe qui d'autre. Mais Deep Blue étant mort, il n'aurait pas dû rester le moindre pouvoir à Aoyama.

    - Vous, non. Retournez là-bas et utilisez le cristal pour sauver notre peuple. Moi, je...

    Je ne savais pas très bien comment le formuler. Pai hocha la tête.

    - Je m'y attendais.

    - Quoi ? Mais... et ta famille, tes amis ? Si on part sans toi, tu ne les reverras jamais !

    Je souris gentiment à Taruto, pour la toute première et dernière fois.

    - Je n'ai personne, là-bas. La seule personne qui me soit chère est sur Terre, et... même si elle ne veut pas de moi, je n'ai rien à faire loin d'elle.

    Ses yeux scintillèrent, des larmes s'y formant, son nez devint légèrement rouge, mais il se retint tant bien que mal de pleurer, sa voix nouée ne laissant cependant pas vraiment de doute sur son ressenti.

    - Je comprends... Tu diras au revoir à Pudding de ma part, hein, dis ?

    - Compte sur moi.

    ---

    Un mois s'était écoulé. Personne, parmi les humains, ne savait que j'étais resté sur Terre. Je vivais principalement dans un coin reculé du parc, où j'avais déjà pour habitude de passer des heures à rêvasser, avant, et où je n'avais jamais croisé aucun humain jusque-là. Enfin, "principalement"... ça, c'était en théorie. En pratique, je passais le plus clair de mon temps à suivre discrètement Ichigo. Sans ses gênes de chat, elle était encore plus sans défense que d'habitude, ce que je n'aurais pas cru possible si on me l'avait dit plus tôt.

    Même lorsque je lui faisais des petites blagues discrètes (comme déplacer un objet pendant qu'elle avait le dos tourné), elle ne s'en rendait pas compte. Parfois, elle avait l'air étonné, mais sans plus. La taquiner me manquait terriblement, mais je ne ressentais plus ce besoin d'effacer le sourire niais qui se trouvait perpétuellement sur son visage. À présent, j'étais plutôt heureux de la voir sourire. D'ailleurs, je souriais aussi, la plupart du temps, en la regardant. Les humains étaient décidément plutôt contagieux sur pas mal de points.

    Elle était toujours amoureuse de son "Aoyama-beurk", qui le lui rendait bien; ils se voyaient très souvent, encore bien plus qu'avant, à mon grand regret. C'était d'ailleurs pour cela que je ne souriais que "la plupart du temps" en la regardant. Lorsqu'il était dans les parages, c'était une autre histoire. Jusque là, rien ne laissait supposer qu'il avait toujours des pouvoirs, hormis le fait qu'il ait pu ramener Ichigo à la vie. Cependant, pendant près d'un an, et même pendant les quinze années où il avait vécu, rien n'avait laissé supposer qu'il était Deep Blue. Je restais donc sur mes gardes.

    J'avais plusieurs fois envisagé de faire semblant d'attaquer Ichigo devant lui, pour voir s'il allait se transformer. Pour voir s'il avait toujours des pouvoirs. Pour voir si Deep Blue était toujours là, quelque part en lui.

    J'avais plusieurs bonnes raisons de laisser cette idée rester une idée. Premièrement, Ichigo me détestait moins (je la surprenais parfois à regarder le ciel et à soupirer en prononçant mon prénom), et je tenais à ce que cela reste ainsi. Secondement, même s'il subsistait toujours une part de Deep Blue, bien cachée, en lui, cela ne voulait pas dire que son pouvoir se manifesterait sous la forme du Clown bleu si Ichigo était en danger. Deep Blue venait à peine d'être vaincu, supposément tué (sinon presque), il n'avait probablement pas de grandes chances de s'en sortir vivant s'il refaisait surface maintenant.

    Je continuais donc simplement à la suivre pour m'assurer que rien ne lui arrivait, surtout lorsqu'elle avait rendez-vous avec lui. Le seul moment où je "la laissais tranquille" (non pas que je la dérange le reste du temps puisqu'elle ignorait ma présence), c'était lorsqu'elle travaillait dans son café rose, tellement rose qu'il m'en donnait presque la nausée. Je restais assez loin de cet endroit, sachant pertinemment qu'au-delà du petit café mignon se trouvait surtout un repère secret rempli de capteurs en tout genre qui me détecteraient peut-être en moins de deux si je m'en approchais trop. Et puis, je n'avais pas envie de voir le blondinet fixer mon chaton pendant des heures.

    ---

    Nous étions samedi. Et comme tous les samedis, cela faisait 5 jours que je suivais Ichigo toute la journée et que je restais aux alentours de chez elle, aussi éveillé que je le puisse, durant la nuit. Mes seules heures de repos en semaine étaient celles où elle travaillait au café, et où quelqu'un d'autre pourrait facilement l'avertir et/ou la protéger de Deep Blue, si besoin. Et comme tous les samedis, elle travaillait là-bas du matin au soir... Et comme tous les samedis, j'en profitais pour dormir tranquillement toute la journée dans "mon" coin du parc.

    En dehors du fait que ce soit un endroit très peu (voire pas) visité, son petit plus était un arbre, dont j'ignorais le nom mais qui était particulièrement touffu et dont deux branches se croisaient, formant un genre de hamac, dur mais confortable, qui me servait de lit, le feuillage me cachant parfaitement aux yeux de n'importe quel curieux qui viendrait se perdre par là durant mon sommeil.

    C'était le milieu du mois d'avril, déjà, et le printemps pointant le bout de son nez, les rayons du soleil se faisaient de plus en plus agréables, même à travers la couche assez épaisses de feuilles qui m'entourait. Une petite brise avait fait bruisser les feuilles, me sortant de mon sommeil, mais je me contentai de me retourner et de me blottir contre l'écorce rugueuse et pourtant douce de l'arbre (question d'habitude), me laissant bercer par la chaleur qui m'entourait dans cet espèce de cocon de verdure.

    Les feuilles bruissèrent à nouveau, mais cette-fois je pus clairement entendre que ça n'était pas dû à une quelconque brise. J'ouvris les yeux pour tomber nez à nez avec une autre paire d'yeux, dépassant à peine de la branche où je me trouvais. Ils semblaient plutôt étonnés. Probablement pas autant que moi. Ce qui était assez ironique compte tenu du fait que j'étais un alien avec de très grandes oreilles; peu importe qui était cette personne, elle devait être plutôt bigleuse pour ne pas déjà s'être mise à crier et à s'enfuir.

    Encore endormi, je remarquai tout juste les petits doigts qui serraient autant qu'ils le pouvaient "ma" branche, lorsqu'ils disparurent soudainement, en même temps que la paire d'yeux, avec un cri assez strident. Le « Aïe » qui suivit acheva de confirmer que je connaissais bel et bien cette voix. Je me penchai, sortant la tête d'entre les branches pour voir Ichigo, assise par terre, se frottant le bas du dos avec une grimace de douleur... Qu'est-ce qu'elle fait là ?! Je me dépêchai de rentrer la tête dans ma "cachette" avant qu'elle ne me voie, ne sachant pas trop quoi faire. M'avait-elle vu, en fin de compte ? Le moment où nous étions face à face m'avait paru assez long pour qu'elle me voie, mais j'étais mal réveillé; elle pouvait très bien n'avoir que rapidement entre-vu du vert et du jaune, ce qui pouvait se confondre facilement avec les feuilles, avant de tomber...

    - Masha, tu es sûr qu'il y a un alien ici ? Tu ne serais pas cassé, par hasard...?

    Ha. Quelle ironie. La première fois où je l'avais approchée, elle lui faisait le même reproche. Cette fois-là, je l'avais embrassée... La nostalgie cumulée à mon envie de plus en plus présente chaque jour de la toucher eurent raison de mon bon sens.

    - Ne t'en fais pas, il n'est toujours pas cassé.

    Elle leva la tête vers l'arbre d'où venait ma voix, et je n'eus qu'à m'en laisser tomber pour rencontrer ses lèvres. Avec le stress (et l'indifférence que cela me procurait à l'époque), je n'y avais pas fait plus attention que ça la première fois, mais ses lèvres étaient vraiment douces et chaudes. Le baume à lèvres à la cerise qu'elle mettait tous les soirs en ce moment leur avait laissé un petit goût fruité plutôt agréable. Une seconde plus tard à peine, la poussant doucement d'une main, caressant sa joue avec l'autre, elle se retrouvait allongée dans l'herbe, nos bouches toujours liées. Elle cligna une fois, puis deux, puis trois, les joues déjà rouges avant même d'avoir réellement réalisé ce qu'il se passait. Puis elle me poussa par les épaules pour rompre le baiser et tourna la tête, probablement en espérant que ça suffise pour que je ne la voie pas rougir. Elle prit un air grognon, comme souvent en me voyant.

    - J'aurais préféré qu'il soit cassé...

    ---

    Elle m'avait dit que cela faisait déjà quelques fois que son petit animal rose détectait une présence extra-terrestre, sans qu'elle ne parvienne à trouver d'où cela venait. Je me gardai évidemment bien de lui dire que c'était parce que je la suivais partout, prétextant que je me baladais pas mal...

    - Et dooonc... Pourquoi est-ce que tu es revenu sur Terre ?

    - En fait, je ne suis jamais parti, pour être exact.

    - D'accord, mais ça ne me dit pas pourquoi !

    Je quittai ma position assise pour me mettre à genoux, posant une main au sol pour me soutenir tandis que l'autre allait saisir une mèche de ses cheveux, que je portai à mon visage pour les embrasser. Je plongeai en même temps mes yeux dans les siens avec le plus beau sourire que je puisse faire, ou du moins je l'espérais.

    - Je pensais pourtant te l'avoir dit, à ce moment-là... Ne me dis pas que tu as déjà oublié ?

    - "C-Cette fois-là" ?

    Ses joues redevinrent rouges, et elle tenta de regarder ailleurs, mais ses yeux semblaient avoir du mal à se faire à l'idée de quitter les miens. Je lâchai ses cheveux, me rasseyant en tailleur, un peu plus près d'elle. Un petit rire m'échappa; elle était décidément beaucoup trop mignonne.

    - Pendant le combat contre Deep Blue... Tu ne te rappelles vraiment pas ?

    Ses joues devinrent rouges à en faire pâlir de jalousie les plus belles tomates au monde lorsqu'elle comprit que je parlais de ma déclaration, et elle se tortilla sur place, ses yeux fuyant désormais complètement les miens. Beaucoup trop mignonne.

    - Tu... Tu sais très bien que j'aime Aoyama, hein ? Tu ne vas pas recommencer avec les "viens avec moi" et tout ça, pas vrai...?

    - Je le sais, ne t'en fais pas.

    Elle sembla soulagée, et j'eus malgré moi un pincement au cœur.

    - Je ne suis pas resté pour t'ennuyer. C'est juste que ma raison de vivre est ici.

    - Ici ?

    - Figure-toi qu'il y a sur Terre un mignon petit jouet qu'on ne trouve nulle part ailleurs dans l'univers !

    Elle regarda le sol, à nouveau écarlate.

    - Tu... n'as pas d'autre raison de vivre ? Sérieusement ?

    - Non. Au départ, je suis venu sur Terre justement parce que je n'avais rien à perdre.

    - Mais, c'est super triste...

    Je haussai les épaules.

    - Pas vraiment. Et puis, sans cela, je ne t'aurais jamais rencontrée.

    - J-Je croyais que tu ne voulais pas m'ennuyer ?!

    - C'est toi qui m'as réveillé, je te signale... et puis, je suis sage, je ne fais que discuter.

    - Oui, maintenant, oui, mais il y a quelques minutes, ...

    - Quoi, ça ne t'a pas plu ?

    Je pris l'air le plus triste possible en disant cela, et elle ne se contenta pas de marcher dans mon "piège", elle y courut.

    - Si ! ... Euh, non ! Euh... Enfin, je veux dire...

    Elle ne savait plus quoi faire des ses petits doigts, les entremêlant nerveusement. Là encore, un rire, un peu plus audible, m'échappa. Je me penchai vers elle, et elle se figea, les yeux écarquillés. Je m'arrêtai en sentant les cheveux de sa frange me chatouiller le front.

    - Si tu ne te décides pas, je vais devoir recommencer pour que tu te fasses un avis... Qu'est-ce que tu en dis ?

    - Non, ça ira ! ... Ça... m'a plu... mais, ne recommence pas ! Compris ?!

    J'approchai encore un peu mon visage du sien... pour déposer un baiser sur le bout de son nez. Elle ne recula même pas, se contentant de fermer fort les yeux, puis eut un geste de recul en sentant le bisou à un endroit inattendu. Ca lui plaisait donc vraiment ? ... Intéressant.

    - Tu-... !

    - Eh bien quoi ? Je ne t'ai pas embrassée, non ?

    - Rhaa, tu m'énerves.

    Elle fit mine de bouder, les joues à nouveau rouges et les bras croisés, probablement un peu vexée de s'être laissée avoir, ce qui me décrocha un nouveau rire. Elle semblait attendre des excuses ou quelque chose comme ça, mais je me contentai de m'allonger dans l'herbe, croisant les bras derrière ma tête. Au bout d'une dizaine de secondes, elle abandonna son idée (quelle qu'elle fut), reprit son air naturel et réengagea la conversation.

    - Au fait, ... qu'est-ce que tu faisais dans cet arbre ?

    - C'est là que je vis.

    Elle me lança un regard perplexe.

    - Bon, plutôt là que je dors, en fait.

    Ses yeux papillonnèrent, toujours étonnés. Son cerveau sembla mettre un petit temps à vérifier s'il avait bien capté l'information.

    - Attends... tu veux dire que ça fait un mois que tu dors dans un arbre, dans le parc ? Qu'est-ce que tu manges ? Où est-ce que tu te laves ? Et puis, il fait encore froid la nuit, et tu es toujours à moitié nu avec tes vêtements... particuliers. Tu vas finir par tomber malade... Et tu risques d'avoir des ennuis si quelqu'un te voit !

    - Toujours aussi bavarde, hein ?

    Elle me donna un coup sur l'épaule en grognant.

    - Je n'ai nulle part d'autre où aller, donc je fais simplement comme je peux.

    - Mais, tu pourrais-

    Elle s'interrompit elle-même, prenant apparemment tout juste conscience du fait que j'étais un alien et que donc je n'aurais jamais ni travail, ni logement, ni rien d'autre sur cette planète. Elle sembla réfléchir un instant, puis ouvrit la bouche pour dire quelque chose, hésita, et lorsqu'elle se décida à parler, son portable (l'appareil avec lequel les humains communiquaient entre eux à distance) se mit à faire de la musique.

    - Oh non ! Ma pause est déjà finie... Je dois vite y retourner, sinon je vais encore me taper la fermeture !

    Elle se leva d'un bond et commença à partir en courant.

    Heureusement qu'elle avait un bloomers sous la jupe de son uniforme de travail...

    Elle s'arrêta soudainement et se retourna vers moi, les sourcils froncés et les joues légèrement rosées et gonflées, comme un enfant qui voudrait montrer son mécontentement, pointant un doigt accusateur dans ma direction.

    - Et ne t'habitue pas à m'embrasser sans te prendre de dérouillée ensuite, hein ! J'ai juste laissé passer cette fois, en guise de remerciement pour...

    Elle s'arrêta, cherchant ses mots. Son visage s'adoucit, sourcils toujours légèrement froncés, elle baissa la tête et se tortilla à nouveau nerveusement tout en jouant avec ses doigts.

    - Pour... m'avoir sauvée... enfin... tu sais bien... Bref ! Ne m'embrasse plus, compris ?!

    - Hai, hai.

    Elle me fit son plus beau sourire avant de repartir en courant en direction du café.

    « Je suis contente d'avoir pu te revoir ! »

    Moi aussi...

    ---

    J'ouvris péniblement les yeux. Quelque chose de désagréable me réveillait.

    Pendant mon seul vrai jour de repos, il fallait qu'il se mette à pleuvoir, évidemment... Non seulement les branches et feuilles d'arbre ne protégeaient pas spécialement bien de la pluie, mais le bruit était vraiment infernal lors de grosses averses. Et les nuages d'un gris proche du noir qui surplombaient l'entièreté de la ville ne laissaient aucun doute possible; c'en serait une.

    Chouette.

    Je m'étais endormi au même endroit où je m'étais allongé, je ne sais combien d'heures plus tôt, après avoir parlé à Ichigo. Je fis passer l'un de mes bras de sous ma tête à par-dessus mon visage, le protégeant plus ou moins des gouttes qui se faisaient de plus en plus froides et violentes, trop las pour me hisser jusqu'à mon "lit", où j'entendais déjà la "douce musique" de la pluie sur le feuillage résonner, alors que j'étais à quelques mètres de là. Pas envie de me retrouver juste en dessous...

    Je fermai à nouveau les yeux, prêt à me rendormir sur place en faisant tant bien que mal fi des gouttes qui me tombaient dessus, lorsqu'elles s'arrêtèrent. Plus ou moins. Elles ne tombaient plus sur la partie supérieure de mon corps, mais encore sur mes jambes, et je l'entendais toujours aux alentours. J'ouvris un oeil, et vis un visage plutôt énervé qui me fixait. Elle était essoufflée et tenait son parapluie rose d'une main tremblante.

    - Je me doutais bien que tu serais toujours là, espèce d'idiot ! Pourquoi tu ne t'abrites pas ?!

    - Où ça ?

    J'étais trop fatigué pour prendre un air faussement joyeux. Je gardai simplement mon ton las et fatigué, n'ayant de toutes façons pas d'intérêt à sembler paraître autre chose que ce que j'étais. Pas avec elle. Pas à cet instant. Mon oeil se referma à moitié sous l'effet de la fatigue, avant qu'elle ne se remette à crier.

    - J'en sais rien, n'importe où, mais ne reste pas dehors sous la pluie ! En plus, il va probablement y avoir de l'- HII !

    Yup. Il y en eut. Elle en avait instinctivement lâché son parapluie et s'était accroupie, mettant ses mains sur ses oreilles et fermant les yeux probablement aussi fort qu'elle le pouvait.

    Ç'aurait été plus sympa si ses oreilles et sa queue de chat apparaissaient encore dans ce genre de moment... Et encore plus sympa si j'avais pu la rassurer, aussi. Je n'essayai même pas, devinant qu'une étreinte de ma part ne lui plairait p-

    - Prends-moi dans tes bras, idiot !

    Je m'assis sans la quitter des yeux, ma bouche refusant de se fermer. Elle avait parlé tellement doucement, sans parler de ce satané boucan résultant des gouttes, de plus en plus fortes contre les feuilles. J'avais forcément mal entendu.

    - ... Quoi ?

    Elle haussa la voix, qui se brisa en une espèce de pleur à mi-phrase.

    - Tu as dit que tu m'aimais, non ?!

    Des gouttes apparurent le long de ses cils clos, tandis qu'un autre éclair illuminait le ciel. Elle leva ses jolis yeux roses plein de larmes et terrifiés vers moi, avant de continuer d'une voix si faible et cassée que j'eus à du mal à comprendre.

    - Alors, prends-moi dans tes bras...

    Je m'exécutai quelques secondes plus tard, toujours abasourdi par ses mots, lorsqu'un autre coup raisonna au loin et qu'elle poussa un cri de terreur, fermant à nouveau les yeux aussi fort que possible. Je la tenais dans mes bras. À sa demande. Je savais que son corps était minuscule. Je savais que son corps était fragile. Mais en le tenant contre moi, ces deux évidences dont j'avais pourtant connaissance depuis si longtemps me frappèrent de plein fouet. J'osai à peine poser mes bras contre elle, de peur de lui faire mal, de peur de la casser.

    Mon étreinte se resserra lorsque la foudre tomba à nouveau, la faisant sursauter et s'accrocher à mon T-shirt, enfouissant son visage contre mon torse et, d'une façon plus générale, rapprochant son corps du mien. Je la serrai fort contre moi, espérant ne pas lui faire mal, posant ma joue sur le haut de sa tête pour la protéger autant que je le pouvais de la pluie battante, lui caressant les cheveux dans une tentative probablement plutôt vaine de la rassurer. Qu'aurais-je pu faire d'autre ? Après tout, ça n'était pas comme si j'avais souvent eu l'occasion de rassurer quelqu'un... ou d'être rassuré...

    Cela sembla néanmoins fonctionner; son si petit corps tremblotant se détendit peu à peu. Lorsqu'un énième coup se fit entendre, la faisant à nouveau sursauter, trembler, et lui arrachant même un sanglot de terreur, je décidai de l'emmener à l'abri. Autant "à l'abri" que je le pouvais face à un orage, en tous cas.

    ---

    C'était la première fois que j'entrais dans sa chambre. Oh, je l'avais souvent observée par la fenêtre, l'avais souvent regardée dormir paisiblement en espérant qu'elle souriait en rêvant de moi, tout en sachant pertinemment que c'était impossible. Je l'avais même narguée depuis cette même fenêtre lorsqu'elle était malade, à peu près à cette même période l'année dernière, pour la convaincre d'accepter mon offre - la même que d'habitude - tandis que les deux autres occupaient ses copines. Évidemment, officiellement parlant, ce plan avait plutôt sonné comme "on les sépare pour les tuer plus facilement", mais, bref.

    Le malaise, proche de la perte de connaissance, qui avait suivi sa toute première téléportation se dissipait peu à peu. Même à travers les murs de sa chambre, les éclairs tonnaient et la terrifiaient. Je décidai de la laisser se remettre de la téléportation et de me lever pour aller fermer ses volets, réduisant au maximum ce qui pourrait lui faire peur. C'était sans compter sur sa petite main tremblante qui avait agrippé la mienne, sur ses yeux larmoyants et sur sa petite voix à demi-consciente qui m'avait doucement ordonné:

    - Ne me laisse pas...

    Je lâchai un soupir.

    Qu'est-ce que je pourrais bien réussir à refuser à cette fille, au juste...?

    Cédant à son caprice, je la saisis à un bras, presque étonné par son poids ridiculement léger, l'asseyant en quelque sorte sur celui-ci et faisant reposer le haut de son corps contre moi, tandis que je m'attelai à m'occuper de ses volets. Elle avait du mal à empêcher sa tête de basculer en arrière, toujours assaillie par des vertiges. En y repensant, c'est vrai que Taruto nous avait raconté, pour se moquer de la petite mew mew blonde, qu'elle s'était évanouie immédiatement après la téléportation qu'il avait effectuée avec elle... sans vraiment le faire exprès, même s'il en avait ensuite profité pour se vanter d'avoir "capturé une mew mew". Enfin, avant qu'on ne lui fasse remarquer qu'il l'avait aussi aidée, pour nous assurer qu'il ne nous raconte plus jamais cette histoire ennuyeuse.

    C'était donc déjà pas mal qu'Ichigo y "résiste" aussi bien. Elle risquait cependant de se sentir tourner la tête pendant un bon moment. Je décidai de l'allonger dans son lit, et, ne pouvant rien faire de plus, de m'en aller.

    À nouveau, c'était sans compter sur son caractère foutrement têtu, sur ses petites mains tremblotantes et sur ses yeux tristes et apeurés, presque désespérés.

    - Hé, chaton, tu ne voudrais pas que je m'allonge avec toi dans ton lit, tant que tu y es ?

    J'avais pris l'air le plus narquois et suggestif qu'il m'était possible de prendre devant son visage à moitié endormi, doux, paisible, tout en restant anxieux, des larmes toujours accrochées au bout de ses cils. Ça n'avait pas suffi à la dissuader.

    ---

    Elle se blottit encore un peu plus contre moi, ce qui était contre toute attente encore possible, en entremêlant l'une de ses jambes aux miennes. Est-ce que toute la peau de son corps était aussi douce ? Comment était-ce même possible qu'une simple peau, humaine qui plus est, le soit autant ?! Et comment pouvait-elle être aussi mignonne, même vue d'aussi près ?! C'était tout simplement scandaleux, et j'étais certain que là-haut, les anges eux-mêmes n'avaient légalement pas le droit d'être aussi jolis.

    Et cette si jolie créature, si innocente et sans défense, toujours aussi trempée que moi, avait son visage à moins d'un centimètre du mien. Nos fronts se touchaient presque. Je sentais son souffle chaud sur mon visage, son haleine chocolatée (probablement due à ce qu'elle avait mangé ou bu avant de quitter le café) embaumant mes narines... et me faisant presque arrêter de respirer, puisque je n'étais pas certain de ma propre haleine. Je venais de dormir toute la journée, après tout.

    Pourquoi j'avais dormi, au lieu de la passer à me brosser les dents jusqu'à m'en faire saigner les gencives ?

    Ses petites mains étaient toujours fermement accrochées à mon T-shirt dans son sommeil, mais son visage avait perdu toute trace de peur. Elle dormait juste tranquillement, sa tête reposant sur mon bras droit, les joues un peu roses et un très léger sourire au coin des lèvres.

    Ses lèvres...

    Je dus me faire fureur à plusieurs reprises pour arrêter de les fixer. Elles étaient si jolies. Si charnues, sans trop l'être. Si joliment, naturellement rosées. Si parfaites, en somme. Seulement, l'embrasser pour l'énerver ou l'embarrasser était amusant; l'embrasser pendant son sommeil aurait juste été creepy.

    J'aimais bien la taquiner, j'appréciais la regarder, mais ça ne faisait pas de moi un prédateur sexuel ou quoi que ce soit de ce genre. Je la respectais, ... plus ou moins. Disons qu'en tous cas, j'essayais de faire de mon mieux pour la respecter, maintenant qu'elle n'était ni mon ennemie, ni un simple jouet, mais bien l'objet de mon affection. Mon égale.

    Elle bougea à nouveau dans son sommeil. Ok, donc il lui était toujours possible de s'approcher encore plus. Elle avait enfoui son visage dans le haut de mon torse, sa frange chatouillant légèrement mon cou, comme pour mettre inconsciemment un terme au supplice qu'elle m'infligeait en m'empêchant de respirer et me permettre de me concentrer sur autre chose que mon envie de l'embrasser.

    Ma main gauche caressait toujours ses cheveux, comme elle m'avait demandé de le faire de façon quasi inaudible en s'endormant, et ma main droite, désormais un peu plus libre de ses mouvements même si sa tête était toujours appuyée sur mon bras, alla se poser contre son dos, ... la resserrant encore un peu plus contre moi.

    Autant en profiter, juste un peu, non ? Ça n'était pas comme si elle ne m'avait pas elle-même demandé de "dormir" avec elle, ni comme si ce genre d'occasion allait se reproduire souvent. J'avais décidé de rester pour la protéger, et j'allais probablement passer ma vie à la regarder dans les bras d'un autre - Aoyama ou pas, alors je pouvais au moins en profiter, juste un petit peu, non ?

    ---

    Je remarquai que j'avais fini par m'endormir seulement quand un cri strident me réveilla. Ichigo devait avoir oublié qu'elle m'avait elle-même invité... probablement. C'était ce genre de fille, après tout. Toujours trop distraite.

    En ouvrant les yeux, je remarquai qu'elle semblait tout aussi prise de court que moi par ce fameux cri, et qu'elle regardait la porte de sa chambre d'un air horrifié. Je remarquai aussi rapidement qu'elle avait une main dans mes cheveux, même si c'était un détail sur lequel je ne m'attardai pas, préférant tourner la tête pour voir ce qui la terrifiait tant.

    Ah.

    Bonjour, "maman".

    ---

    En me téléportant, j'avais pu la rattraper de justesse avant qu'elle ne perde connaissance et n'aille s'écrouler sur les débris de porcelaine, dus au plateau "petit-déjeuner du dimanche" qu'elle était venue apporter à Ichigo, et qu'elle avait lâché en nous voyant.

    En me voyant.

    Je savais que ça n'était pas une bonne idée de dormir là. Comme si n'importe quelle idée sortie de la tête d'Ichigo avait un jour été bonne, de toutes façons... Bon, j'exagérais un peu, mais c'était la pure vérité pour 90% de ses idées. Au moins.

    Elle m'avait demandé de la porter jusqu'au canapé, en bas, pour l'y allonger jusqu'à ce qu'elle ne reprenne connaissance. Apparemment, son père était en "voyage d'un fer"; en gros, il ne serait pas là pendant quelques jours. Elle me lança un regard relativement terrifié.

    - Qu-Qu'est-ce qu'on va faire...?

    - Qu'est-ce que j'en sais ? C'est ta maman, tu devrais savoir ça mieux que moi !

    - D'accord, mais qu'est-ce que tu dirais à la tienne si la situation était inverse ?

    Ha. Pour répondre à ça, encore aurait-il fallu que j'en aie eu une un jour. Idiote.

    Bon, cela dit (ou plutôt "pensé"), elle ne pouvait pas le savoir, et c'était même bien mieux comme ça.

    - Elle sait que tu as été une mew mew ?

    Elle nia de la tête.

    - Enfin, elle le sait peut-être, mais en tous cas je ne le lui ai pas dit...

    - Je pourrais m'en aller et tu n'aurais qu'à faire comme si elle avait rêvé ?

    - La tasse qu'elle a cassée tout-à-l'heure était ma préférée, elle va forcément le remarquer, et ce sera une coïncidence trop flagrante ! Ça ne ferait que retarder la chose, et si en plus je dois en parler quand mon père sera là, ...

    J'avais toujours eu du mal à comprendre le concept de parents, mais sur Terre j'imaginai sans trop de difficulté, au regard sombre et terrifié qu'elle avait eu en disant cela, qu'un père devait être une sorte de personne vraiment terrifiante, notamment quand on cassait une tasse.

    Bien que j'ignorais ce qu'était une "tasse".

    ---

    Finalement, sa mère s'était réveillée, avait failli tourner de l'oeil une seconde fois en me voyant, puis Ichigo avait passé deux bonnes heures à lui expliquer aussi clairement qu'elle le pouvait (ce qui implique assez peu de clarté, soyons francs) tout ce qui concernait son travail de mew mew, le café, les aliens, les monstres, bref, tout. Elle avait attentivement écouté sa fille, du moins autant qu'elle le pouvait, ayant parfois plus que visiblement du mal à suivre (et moi avec, alors que j'y étais) ou du mal à y croire, restant cependant silencieuse jusqu'au bout.

    - Et donc, cet... alien, était endormi avec toi parce que...?

    - Oh, euh... Ki-Kisshu n'a nulle part où aller, en fait, et puis hier, comme il y avait de l'orage et tout ça, je lui ai demandé de rester parce que j'avais peur, et...

    - ... et tu ne t'es pas dit que ça avait quelque chose de bizarre ?

    Ichigo resta sans voix pendant quelques secondes face au regard dur de sa mère, puis se ressaisit.

    - Je sais que tu ne m'as pas éduquée comme ça... et je sais que je ne devrais pas inviter des garçons à dormir dans ma chambre. Encore moins dans mon lit. Mais, Kisshu-

    - Il n'y a pas de "mais". En plus de ce que tu as déjà cité, tu as pensé à ce qu'en dirait ton petit ami s'il le savait ?!

    Elle avait semblé à nouveau plutôt choquée lorsque sa mère lui avait coupé la parole, mais son visage s'était complètement assombri, presque "éteint", lorsqu'elle avait terminé sa dernière phrase. Des larmes montèrent aux yeux d'Ichigo, et elle se leva du canapé, courut jusque dans sa chambre dont on put très clairement entendre la porte claquer et la clé se tourner.

    Je me levai à mon tour,

    - Je t'interdis d'aller faire du mal à ma fille, tu entends ?!

    « De ce que j'ai pu voir, vous lui avez fait plus de mal en quelques secondes que je ne pourrais jamais cautionner de lui en faire en tout une vie ! », fut ce que je m'entendis répondre sur un ton que le mot "énervé" serait probablement trop faible pour décrire. La seconde suivante, j'étais dans la chambre d'Ichigo.

    Elle était assise sur le bord de son lit, le visage larmoyant (encore...). Elle leva la tête vers moi, tentant assez vainement de retenir ses larmes. Je restai planté là à la regarder, sans savoir quoi faire, sans savoir ce qu'elle voulait ou non que je fasse. Elle se leva et jeta ses bras autour de moi, me serrant aussi fort qu'ils le lui permettaient, se mettant à pleurer à chaudes larmes, exactement comme l'aurait fait un bébé. Le temps d'enregistrer l'information et je remarquai que mes bras se trouvaient déjà autour d'elle, la serrant doucement contre moi, ne sachant toujours pas comment la réconforter.

    ---

    Ca lui avait pris au moins un quart d'heure pour arrêter de pleurer. J'avais caressé son dos, ses cheveux, lui avait machinalement murmuré des mots gentils dont je ne me souvenais pas tout-à-fait, et elle avait fini par arrêter de hurler, puis de sangloter. Elle était encore restée quelque minutes contre moi, resserrant un peu son étreinte, comme si elle avait eu peur que je disparaisse. Puis elle s'était doucement éloignée, son visage aussi trempé que mon T-shirt, qui serait de toutes façons bon à jeter vu la force avec laquelle elle s'était appliquée à en déformer l'arrière. Ca m'importait franchement peu, voire pas du tout.

    Elle avait levé vers moi ses yeux tristes, et m'avait demandé quelque chose qui m'avait laissé sans voix.

    - Tu... Tu m'as beaucoup suivie, depuis le combat contre Deep Blue. Je l'ai remarqué. J'ai fait comme si je ne l'avais pas vu, mais je l'ai remarqué. Je ne sais pas pourquoi tu as décidé de faire ça, mais... enfin... pour Masaya, qu'est-ce que tu en penses ?

    Je clignai des yeux plusieurs fois de suite, comme si ça allait m'aider à mieux comprendre la question. Ce que j'en pense ? Ben, que c'est un crétin, que je suis bien mieux que lui, qu'elle est idiote de le choisir et qu'il pourrait être dangereux puisque s'il n'est pas mort, Deep Blue ne l'est pas forcément non plus. Je gardai cette réponse dans ma tête, supposant que ça n'était pas ce qu'elle attendait, et que ça ne l'aiderait ni à se sentir mieux, ni à m'apprécier davantage.

    - C'est-à-dire...?

    Fut tout ce que je trouvai à répondre. Elle fronça les sourcils, de façon sérieuse, vraiment contrariée.

    - Tu nies m'avoir suivie partout ?

    - Non. Je ne pensais pas que tu m'avais remarqué, mais je ne le nie pas. Par contre, je ne vois pas à quel sujet tu veux mon avis. Tu sais déjà ce que je pense de Roméo, non ?

    - Donc, tu prétends que tu m'as suivie partout, sans jamais écouter mes conversations ?

    - Comme si j'avais envie de t'écouter plaisanter d'âneries avec tes copines et dire à Aoyama à quel point tu l'aimes à longueur de journée...

    Je l'avais murmuré dans ma barbe, mais je sus qu'elle m'avait entendu en la voyant s'énerver comme elle le faisait si naturellement en ma présence, pour mon plus grand bonheur... ou pas. Elle rompit d'un pas la distance qui nous séparait, pour attraper le bout de chacune de mes oreilles et tirer dessus de façon plus ou moins symétrique.

    - Elles servent seulement de déco ou quoi ?!

    - Aïe ! Excuse-moi de respecter ton intimité, je ne savais pas que j'aurais dû écouter aux portes pour faire ton bonheur !

    - Quelle intimité, quand tu me suis partout, tout le temps ?

    - C'est- ... Je-Je m'inquiétais juste pour toi ! Je sais... que ça n'est pas le genre de truc que tu apprécies d'entendre, mais tu as beau être forte, tu es aussi tellement fragile, et... je ne supporterais pas que quelque chose t'arrive.

    Je sentais mes joues chauffer de plus en plus à mesure que je parlais, ce qui me déplaisait au plus haut point. Elle eut l'air étonné un instant, puis, lâchant enfin mes oreilles et réinstaurant une distance normale entre nous, se mit à pouffer, puis à rire à pleine voix. C'était un peu vexant, mais je la laissai rire; au moins, pendant ce temps, elle ne pleurait pas.

    - Haa... Désolée. C'est juste que, je ne t'avais jamais vu rougir... ni même être gêné ! Haha...

    ---

    Elle m'expliqua que, lorsqu'elle avait sauvé la vie de Roméo, elle n'avait pas utilisé d'eau bleue comme je le pensais. Elle avait en quelque sorte supplié qui pourrait l'entendre de prendre ce qu'elle avait de plus cher et de le ramener à la vie en échange. C'était ce qui lui avait coûté sa propre vie. C'était pour cela qu'elle avait été morte, et lui vivant. Apparemment, en l'embrassant un peu plus tard, il avait fait le même genre de vœu, et... c'étaient ses souvenirs d'elle qui lui avaient été pris en contre-partie. Pas immédiatement, bien sûr. Dans l'immédiat, ils avaient pu savourer le reste de la journée (presque achevée), pensant qu'ils seraient désormais ensemble et que rien ne les séparerait. Mais le lendemain déjà, il ne se souvenait plus d'elle. Rien à voir avec Deep Blue comme je le pensais.

    Cet air étrange que je voyais sur son joli visage pourtant souriant lorsqu'elle était avec lui, c'était donc ça...?

    Elle avait apparemment tout essayé pour lui faire comprendre qu'il l'avait oubliée, mais il se souvenait de toutes les autres personnes qu'il avait connues, alors il avait beaucoup de mal à la croire. Il lui avait laissé plusieurs chances de lui faire se souvenir, au cours du mois qui s'était écoulé, d'où le nombre plus important de rendez-vous que d'habitude, mais en avait eu assez. Il la voyait désormais comme une fille un peu trop amoureuse voulant se donner de l'importance pour pouvoir passer du temps avec lui. Ce qui le touchait. Mais l'ennuyait quand même.

    Elle m'expliqua qu'il allait partir d'ici quelque semaines en "Gleutaire", un pays très loin du Japon, pour suivre des cours particuliers jusqu'à la rentrée scolaire de ce pays-là qui ne se faisait pas début avril comme ici mais en septembre. J'avoue qu'elle avait failli me perdre sur ce coup-là, n'étant familier ni de ce qui a trait à leur système éducatif, ni des noms des pays, ni même de leur façon de diviser l'année - tout ce que je savais à ce sujet, c'était qu'on était mi-avril. Enfin, le moment de l'année où se trouvait "septembre", l'endroit où était "Gleutaire" et ce qu'était une "rentrée scolaire" n'importaient pas tant que ça, l'idée principale étant qu'il allait partir, très loin, tout en n'ayant plus aucun souvenir d'elle.

    J'avais franchement du mal à me sentir triste à propos de ces deux sujets.

    - Alors, qu'est-ce que tu en penses...?

    - Hein ?

    - Je devrais essayer de passer les examens d'entrée pour partir avec lui...?

    - Heiiin ?!

    Ce cri n'avait pas été uniquement le mien, mais aussi celui de sa mère, qui se trouvait apparemment derrière la porte depuis un petit moment et qui semblait aussi, voire plus choquée que moi.

    - Ichigo, ouvre cette porte ! On va en discuter en bas, calmement, d'accord ? Ton ami peut même rester s'il veut, mais s'il te plaît, ouvre...

    Elle continua à parler en vain à travers la porte, Ichigo m'ayant demandé de nous emmener loin de là.

    ---

    Nous étions dans une petite ruelle d'un quartier calme, la même où je l'avais bloquée le jour de la Saint-Valentin, cachés derrière les cartons qui y étaient constamment empilés pour une raison mystérieuse.

    - Pourquoi ici ?!

    - Tu n'as pas précisé, je n'avais pas vraiment d'idée, et je ne peux pas tout-à-fait me balader à ma guise dans Tokyo sans provoquer de mouvement de panique à cause de mon physique atypique et irrésistible.

    J'avais parlé sur un ton monocorde, mais l'effet de cette fin de phrase fit mouche, la faisant légèrement pouffer de rire.

    - C'est vrai qu'il faudrait t'acheter des vêtements... un peu plus couvrants, pour commencer, et un peu moins... aliens. Et puis surtout, quelque chose qui puisse cacher tes oreilles.

    - Hai, hai, mais là encore, je ne peux pas me pointer au milieu d'un magasin pour-

    - Tu fais quelle taille ?

    - ... J'en sais rien. Sûrement la même que toi.

    - Hein ? Mais tu es un garçon ! Tu es forcément plus large que moi.

    - Je suis un garçon svelte et fin, et toi tu es une fille avec tout juste les courbes qu'il faut pour être jolie et une grosse poitrine. On fait la même taille.

    - Est-ce que c'était une façon élégante de dire que je suis grosse ?!

    - C'est une façon de dire que tu n'es pas squelettique, mais jolie. Oh, et la grosse poitrine c'était une blague, évidemment.

    - Pff, pervers.

    - Oui, oui, je sais ♪

    - Y'a une boutique pas loin, attends-moi là, je vais te trouver quelque chose de convenable et qui n'attirera pas l'attention sur ta sale tronche de lutin pervers.

    Elle se leva et partit, la tête beaucoup trop haute pour avoir l'air aussi sérieuse et énervée qu'elle aurait aimé le faire croire. D'une certaine façon, cette complicité me faisait du bien. Je n'avais jamais eu d'amis (à part Pai et Taruto, qui n'étaient pas à 100% des amis mais qui étaient ce qui s'en rapprochait le plus pour moi jusque-là), et même si j'aurais préféré être plus que ça pour elle, l'avoir pour amie était non seulement un bon début, mais aussi quelque chose d'étonnamment agréable.

    ---

    Elle revint une trentaine de minutes plus tard. Et j'aurais préféré qu'elle ne revienne pas, finalement. Elle "m'avait trouvé" une "jolie" robe blanche à fleurs roses, toute vaporeuse avec de la dentelle, de "jolies" sandalettes roses à rubans blancs, et une "super jolie" veste "rose corail" avec une capuche ornée de grandes oreilles de lapin, avec un noeud "super mignon" à la base de l'une d'elles, "pour que mes oreilles ne se sentent pas trop à l'étroit". La veste en question était tellement pelucheuse qu'on aurait presque pu penser qu'il s'agissait d'un vrai lapin, si elle n'avait pas eu cette couleur-là. Son visage était rayonnant au possible, le mien était figé dans une espèce de grimace entre le dégoût et la peur, ma voix s'étant perdue loin, très loin, dès le début de la présentation des articles plus girly les uns que les autres, et refusant de revenir dans ma gorge.

    - Quoi ? Ca ne te plaît pas ?

    Elle me fit le regard de chien battu le plus adorable que j'aie pu voir de toute ma vie (pourtant, Taruto était très bon à ça lui aussi), et je parvins tant bien que mal à articuler quelques sons inintelligibles, avant de finalement réussir à penser à nouveau.

    - Non ! Bien sûr que non ! Ce serait trèèèèès mignon, joli ou tout ce que tu veux sur une fille, mais je te rappelle que-

    Elle eut un sourire relativement diabolique, et en même temps bien trop amusé, même pour ce genre de situation.

    - Ben quoi ? Si tu fais la même taille de vêtements qu'une fille, tu devrais pouvoir être tout aussi mignonne, non ? Je t'ai même pris de jolis sous-vêtements, regarde !

    Elle sortit du sac une culotte ridiculement minuscule, tout en dentelle blanche intégralement transparente, avec des froufrous ornés d'un joli petit ruban rose dans le haut, et évidemment, un petit noeud vers le milieu dudit ruban.

    - Je ne t'ai pas pris de soutif puisque de toutes façons, tu as encore moins de poitrine que moi~

    Je sentis mon visage se décomposer dans le même genre de grimace que lors des précédents vêtements, mais en probablement pire, ainsi que mes joues se mettre à me brûler terriblement. Je me retournai pour échapper à la vue de cette... chose, et pour éviter qu'elle ne se moque encore de mon embarras.

    - T-T-T-T-Tu... Tu es sérieuse ?! Ne montre pas ce genre de trucs à un garçon, crétine ! Même si tu dis que c'est censé être pour moi, c'est... Rhaaaaa ! Tu sais quoi ? Je vais me balader dans Tokyo comme je suis habillé maintenant, et tant pis si les gens me regardent bizarrement, et tant mieux s'ils te regardent bizarrement parce que tu te balades avec moi !

    « Et puis de toutes façons, mon service trois pièces ne rentrerait jamais là-dedans » fut la chose à ne clairement pas ajouter, mais je ne m'en rendis compte qu'après-coup, bien entendu.

    - Oh ? Eh bien, prouve-le.

    - Qu- ... Tu t'entends parler, des fois ?!

    Elle me tendit l'un des vêtements, qui frôla mon bras, me faisant sursauter; pitié, tout mais pas cette foutue culotte ! Je me tournai vers l'objet en question et fut plus que surpris en découvrant un pull à capuche en laine noisette, avec une fermeture éclair, des teintes de chiné par endroit et des espèces de "dessins" dans le tricot. Je la regardai d'un air probablement aussi abasourdi que s'il avait s'agit de la culotte. Elle me fit un petit sourire, un genre de "désolée" écrit en grand sur son visage, bien que l'amusement soit toujours plus que présent dans son regard.

    - Comme si j'allais t'acheter des fringues aussi mignonnes. Ça ferait de toi une rivale beaucoup trop jolie !

    - Ha... Haha, ha... Je ne sais pas trop comment je dois le prendre...

    - Bah, je suis sûre que tes cheveux sont aussi longs que les miens, détachés, et il faut avouer que ta silhouette est un peu... trompeuse. J'ai pris ces vêtements-là pour moi, mais je reste convaincue qu'ils t'iraient super bien !

    - ... Pour toi ?

    Elle hocha joyeusement la tête, semblant toujours extrêmement fière de sa blague.

    - Même la culotte ?

    Son visage se décomposa instantanément et elle me regarda d'un air horrifié, rouge jusqu'aux oreilles.

    - Ou-Ou-Ou-Ou-Oublie que tu l'as vue ! Compris ? Tu oublies, tout de suite !

    - Awww, j'ai bien peur que cette vision ne m'ait profondément choqué, chaton, je ne pense pas pouvoir l'effacer de ma mémoire un jour... C'est vraiment, vraiment dommage !

    - Espèce de-

    - Et puis, ça n'est pas ma faute si tu brandis tes sous-vêtements devant mon nez, donc tu n'as pas intérêt à me traiter de pervers. C'est moi, la victime, ici ! Donc, pour cette fois, c'est toi la perverse ♪

    Elle grogna et tapa des pieds, ne trouvant probablement rien à rétorquer, puis me balança à la figure un sac de vêtements avant de s'éloigner jusqu'à la route, juste à l'entrée de la ruelle.

    - Change-toi et oublie ça !

    - Ehhh, ici ? Mais Ichigo-la-perverse risque de me regarder... En plus, tu m'as déjà harcelé sexuellement tout-à-l'heure, en me demandant de te montrer mon-

    - Taiiiiis-toiiiiii !!

    Elle colla ses mains à ses oreilles aussi fort que possible, et je ne pus m'empêcher de rire. En plus du pull, elle m'avait pris un T-shirt tout simple, un peu moulant, vert très foncé comme je l'aimais tant, et une sorte de "jean" slim assez léger, d'une matière plutôt agréable à porter, noir. L'envie de l'ennuyer était irrésistible.

    - Tiens, tu ne m'as pas pris de sous-vêtements, finalement, chaton ?

    - La ferme !

    J'aimais beaucoup la voir sourire, mais finalement, je préférais plus que tout la taquiner, quitte à l'énerver un peu !

    ---

    Au final, c'est avec une Ichigo blessée dans son amour-propre que j'allai acheter des chaussures plus "humaines" que ce que je portais. Pourquoi blessée ? Parce qu'elle avait tenu compte de mon estimation comme quoi nous faisions la même taille, et avait donc essayé les vêtements sur elle avant de mes les acheter, ... mais le pull était finalement un peu trop grand.

    Elle était simplement vexée d'être plus large que moi. Et que j'aie l'air encore plus fin que d'habitude (d'après elle) en le portant. Ce qui était "révoltant", voire "devrait être interdit".

    Je ne comprendrais vraiment jamais cette obsession des humains à être aussi maigres que possible. Pour mon peuple, être "bien portant" était loin d'être une tare, compte tenu de la difficulté à trouver de la nourriture. Il ne viendrait à personne l'idée de vouloir perdre du poids, là-bas; perdre le moindre kilo signifiait la mort pour la plupart des gens, déjà en sous-poids sévère. Ils auraient donné père et mère pour avoir les quelques kilos "en trop" (et j'insiste bien sur les guillemets mentaux que je place autour de ce mot) dont Ichigo se plaignait... et dont elle n'avait pourtant franchement pas à se plaindre, même sans cette comparaison. Elle n'avait pas la peau sur les os, mais elle était loin d'être grosse. Moi, je la trouvais parfaite comme ça.

    Et puis, sa poitrine avait forcément joué un grand rôle dans l'essayage imparfait du pull; forcément qu'avec tout ça en plus, elle s'y était sentie "tout juste à l'aise" tandis que j'y flottais un peu. Et puis, ça n'était pas non plus comme s'il était trois taille au-dessus de la mienne. Elle en faisait encore des tonnes pour pas grand-chose.

    - De toutes façons, j'aime bien les vêtements un peu larges.

    - Oui, j'avais cru le comprendre, vu tes anciens vêtements...

    Haaa. Elle boudait toujours. Ça devenait vraiment lassant, à force...

    J'accélérai un peu le pas pour la rattraper, collant son dos contre moi, enroulant mes bras autour de sa taille pour qu'elle ne s'enfuie pas. Elle se débattit très légèrement, par réflexe et par surprise, et je devinai que seul le regard inquiet des passants l'avait fait arrêter de gigoter.

    - Qu'est-ce que tu-

    - Ton ventre est très bien comme ça, chaton. Moi, je te trouve parfaite comme tu es. Et je suis sûr que c'était- que c'est aussi le cas d'Aoyama. Qu'il ne se souvienne plus de toi ne veut pas dire qu'il ne te trouve pas jolie, après tout.

    - D-D'accord, mais lâche-moi, tout le monde nous regarde...

    - Je m'en fiche.

    Elle tourna la tête, tentant de capter mon regard. Je lui souris simplement. Je m'en fichais vraiment, qu'on nous regarde. Qu'on nous juge. Le monde aurait bien pu s'écrouler autour de nous, ça n'aurait rien changé.

    - J'ai beau toucher ton ventre, ta taille, tes hanches... Je n'en meurs pas, et toi non plus, tu vois ? Je ne m'éloigne pas en courant, je ne pense pas que le peu de graisse que tu as soit dégoûtant. Je t'aime comme ça. Et même si tu prenais du poids, je t'aimerais toujours autant. Et même quand tu seras toute ridée, je continuerai à t'aimer.

    Elle rougit et sembla un chouia trop touchée par cette "déclaration", alors mon instinct de débile profond ne put s'empêcher de me faire ajouter:

    - En plus, si tu perdais du poids, tu perdrais aussi le peu de poitrine que tu as, donc j'aime autant que ça reste comme ça~

    Comme on pouvait s'y attendre, elle se défit de mon étreinte en moins de deux, et ma joue rencontra violemment le plat de sa main.

    Enchanté.

    Au moins, elle ne boudait plus par rapport à son poids, et il n'y aurait pas d'ambiance embarrassante entre nous.

    ---

    Après avoir essayé une bonne dizaine de paires de chaussures avant d'en trouver une confortable et dont le prix ne coûterait pas tout le reste de ses économies à Ichigo (tout en endurant à nouveau sa mine boudeuse tandis que les vendeuses du magasin se pressaient autour de moi, la forçant à rester à l'écart, ce qui ne lui plaisait de toute évidence pas du tout), elle avait décidé de me traîner dans son fichu café rose bonbon, se fichant éperdument de toutes les bonnes raisons que je lui avais pourtant données pour ne pas m'en approcher.

    « Il est déjà 16h, on n'a toujours rien mangé de la journée et j'ai faim ! » était, semblerait-il, "l'argument ultime", puisqu'elle le répétait en boucle pour contrer chacun des miens.

    C'est la fille-poisson qui nous accueillit.

    - Bienv- Tiens, Ichigo ? Et... tu n'es pas avec Aoyama, aujourd'hui ?

    - Est-ce que tu trouves que cet individu louche ressemble à Aoyama ?

    Elle parut surprise, papillonna des yeux et se pencha, essayant de me voir un peu mieux malgré ma capuche, ce que je l'empêchai aussi discrètement que possible de faire; mes yeux jaunes étaient tout de même plutôt voyants et caractéristiques, après tout.

    - Hein ? "Louche" ? ... Euh, non, il ne lui ressemble pas... je pense ?

    - Alors il semblerait que je ne sois pas avec Aoyama, effectivement !

    J'étais plutôt estomaqué par sa façon de parler à son amie... La verte avait toujours été plutôt timide, et je savais que c'était grâce à la gentillesse d'Ichigo qu'elle avait plus ou moins surpassé ça, alors je n'aurais jamais imaginé qu'elle se mette à lui parler comme ça, surtout pour... pourquoi, d'ailleurs ?

    La pauvre fille nous emmena jusqu'à une table et prit notre commande (n'y connaissant de toutes façons rien aux aliments humains, j'avais laissé Ichigo choisir pour moi), puis nous l'apporta quelques minutes plus tard à peine.

    - Donc, ça, c'est une "tarte aux fraises", et ça, un "fondant au chocolat"... c'est ça ?

    - Oui ! D'ailleurs, "Ichigo" veut dire "fraise"... c'est peut-être pour ça que j'aime autant en manger !

    Elle saisit une espèce de mini-trident argenté et y empala le fruit en question, commençant à le porter vers sa bouche.

    C'était beaucoup trop tentant.

    Je saisis son poignet, son regard étonné se plongeant immédiatement dans le mien, et, soutenant son regard, prit la fameuse fraise entre mes lèvres aussi délicatement que possible. Elle saisit immédiatement l'allusion puisque son visage devint rouge écarlate en un battement de cil. Après l'avoir croquée puis avalée (le goût à la fois sucré et légèrement acide me rappelant à la perfection son caractère mignon mais piquant), je me léchai les lèvres comme j'avais l'habitude de le faire pour la narguer après un baiser.

    - Délicieuse ♪

    Le rouge de ses joues s'intensifia (apparemment, c'était possible), et elle me gronda doucement, pour ne pas trop attirer l'attention, me disant de manger mon dessert. Avant d'en prendre un morceau "comme contrepartie".

    ---

    - Donc... tu voulais mon avis quant au fait de suivre Roméo en Gleutaire, c'est ça ?

    - Hein ?

    Elle avait répondu la bouche pleine, ce qui était vraiment trop mignon, une fois de plus. Quelque peu malpoli, mais adorable.

    - Ah ! Oui, c'est vrai ! ... En fait, j'ai déjà demandé l'avis d'à peu près toutes mes amies, mais...

    Elle jeta un regard plutôt froid aux serveuses qui se trouvaient dans la salle, sans que ces dernières ne le remarquent.

    - ... elles m'ont toutes dit de ne pas le faire. Je pense que c'est juste parce qu'elles ne veulent pas que je m'en aille. Mais toi, de toutes façons, tu me suivras probablement où que j'aille, donc tu vas me répondre par rapport à ce qui serait le mieux pour moi, sans être égoïste... pas vrai ?

    - Je... suppose ? Mais, tu sais, je n'ai jamais vraiment porté Roméo dans mon cœur, donc...

    - Tu as bien dit que tu m'aimais, non ?

    - Oui.

    - Donc, tu dois vouloir mon bonheur avant tout, ... non ?

    Est-ce que ça faisait partie de la définition de l'amour ? Vouloir le bonheur de l'autre avant le sien ? Pourrais-je souhaiter qu'elle reste avec lui, si j'étais sûr et certain à plus de 2000% que ça la rendrait plus heureuse que d'être avec moi...?

    - Oui.

    - Donc... qu'est-ce que tu en penses ?

    - Que tu ne devrais pas y aller.

    Elle lâcha son mini-trident, qui tomba par terre dans un tintement plutôt désagréable, et sa mâchoire sembla refuser de rester fermée.

    - P... Pourquoi ?

    - Il ne se souvient plus de toi, pas vrai ? Et à part pour être auprès de lui, tu n'as pas spécialement envie d'aller en Gleutaire, ou en tous cas tu ne l'as pas du tout présenté de cette façon...

    - Mais-

    - Je ne suis pas un spécialiste de la mémoire et j'ai du mal à croire à ce que tu m'as dit par rapport au fait qu'il ait échangé ses souvenirs contre ta vie; je ne suis pas spécialement quelqu'un de très croyant, en fait. Mais le fait est que ça fait plus d'un mois que tu essaies de lui rappeler qui tu es et que ça n'a toujours pas fonctionné... Alors, je doute qu'il puisse se souvenir. Quant à créer de nouveaux souvenirs avec lui, j'ai cru comprendre qu'il n'en avait pas tellement envie, hein...?

    - ... Non...

    - Qu'est-ce que tu feras si, une fois là-bas, tu te retrouves seule, sans ta famille, sans tes amis, en comptant sur sa présence, mais que lui préfère se faire d'autres amis, voire se trouver une petite amie ? Bien sûr, tu m'auras moi, mais est-ce que tu as vraiment envie que je sois la seule personne à qui tu adresserais la parole de la journée ?

    Sa bouche se tordit très légèrement, par pur réflexe, dans une grimace de dégoût.

    - Non.

    Elle baissa les yeux, visiblement déçue. Voire triste. Encore...

    - Je sais que ça n'est probablement pas la réponse que tu espérais, mais comme tu l'as dit, je ne veux pas que tu sois malheureuse. Alors je préfère être franc et répondre aussi sérieusement que je le puisse.

    La fille-poisson arriva avec un autre mini-trident qu'elle s'apprêtait à déposer sur la table, près d'Ichigo, mais cette dernière se leva brusquement.

    - Pas besoin, Retasu.

    Elle commença à se diriger vers la porte. Je me levai également et lui attrapai l'avant-bras.

    - Attends, où est-ce que tu vas ?

    - Lâche-moi.

    Elle l'avait murmuré de façon tellement lasse, tellement inaudible, qu'il me fallut vraiment faire un effort pour l'entendre.

    - Je ne te laisserai pas partir toute seule alors que tu fais ce genre de tête !

    - Lâche-moi, Kisshu !

    Cette fois, elle avait crié suffisamment fort pour alerter tout le personnel du café. Suuuper. Le blondinet s'amenait vers nous, probablement décidé à l'aider à s'en aller, ou à m'en coller une. Peut-être les deux. Tenant toujours fermement son poignet malgré le fait qu'elle tente d'en décrocher ma main, je me mis à courir, l'entraînant à ma suite, la faisant pester, ignorant les "lâche-moi" qui semblaient se répéter à l'infini.

    ---

    Ça devait faire deux bonnes heures, maintenant. Le soleil avait déjà presque fini de se coucher. J'avais arrêté de courir peu après avoir quitté le café. Je marchais en la traînant presque derrière moi, et elle continuait à m'ordonner de la lâcher, en boucle, depuis deux heures. Rien d'autre. Elle était essoufflée, sa gorge était clairement sèche, sa voix cassée, mais elle continuait à brailler, à me frapper, à s'énerver, encore et encore...

    Je me retournai pour lui faire face, ce qui la fit taire sous la surprise, puis je la fis reculer jusqu'au mur le plus proche. J'y plaquai son bras, que je tenais toujours, et plaçai ma main libre de l'autre côté pour "la bloquer" (non pas qu'elle puisse s'en aller sans ça, mais soit).

    - Calme-toi, bon sang ! Arrête de jouer les enfants gâtées, ça ne te ressemble pas de piquer des crises comme ça. Ni ça, ni cet air carrément déprimé que tu as eu au café !

    - Je n'ai pas le droit d'être déprimée, tu trouves ? Celui que j'aime, l'homme de ma vie, m'a complètement oubliée et va partir à des millions de kilomètres de moi, à l'autre bout du monde, sans même se souvenir du moindre petit instant de bonheur que nous avons partagé, sans même regretter cette époque qui s'est effacée de sa mémoire, et je ne peux rien y faire, et tu voudrais que je sois joyeuse, c'est ça ?!

    Elle avait hurlé, même si, à moitié aphone, ça ne s'était entendu que comme de petits sanglots plutôt misérables. Ses yeux étaient remplis de larmes, son visage déformé par un mélange de colère et de tristesse, ses cheveux en pagaille à force de s'être débattue pour que je la lâche. Son regard faisait presque penser à celui d'un animal sauvage. Un du genre très agressif. Et... je ne savais absolument pas quoi répondre à ça.

    - Si tu veux tout savoir, j'ai envie de mourir, là tout de suite ! J'aurais préféré qu'il ne me rende jamais la vie, si c'est pour devoir la vivre sans lui !

    - Et tu penses peut-être que tu es la seule dans ce cas ?!

    C'était plus ou moins sorti tout seul, plus ou moins automatiquement, et probablement beaucoup plus fort que je ne l'aurais voulu. À sa colère et sa tristesse se mélangèrent de l'incompréhension.

    - Tu penses peut-être que cette fois où ton cher Aoyama m'a entaillé si profondément que je sentais le vent directement sur mes poumons, où les seuls amis que j'avais m'ont laissé pour mort dans une ruelle de Tokyo, et où malgré tous mes efforts, tu as continué à me repousser, je n'aurais pas préféré mourir ? Tu penses peut-être que je n'aurais pas préféré rester mort, après le combat contre Deep Blue, plutôt que de revenir à la vie pour te voir embrasser et être embrassée par ton cher Aoyama ? Tu penses que j'étais heureux de constater que non seulement, tu avais donné ta vie pour le sauver, lui, pas moi, mais qu'en plus, malgré tout ce que j'avais pu faire, malgré tout ce que je pourrais jamais faire, tu ne m'aimerais jamais comme je t'aime ?

    Je lui parlais plutôt sèchement, plutôt fort aussi. Je n'essayai même pas de retenir mes larmes. De tristesse, de colère, de frustration, peut-être d'autres choses encore. Je n'étais pas du genre à aimer pleurer devant qui que ce soit, et je n'aimais pas lui parler de cette façon, mais si tout ça pouvait donner du poids à mes propos, si ça pouvait l'aider à se rentrer mes mots dans le crâne...

    - Tu penses peut-être... que je n'ai pas voulu mourir, au cours de ce mois que j'ai passé, absolument seul, sans parler à personne, à te suivre partout même si c'était ennuyeux et même très déplaisant par moment ? D'ailleurs, tu penses que je t'ai suivie juste pour mon petit plaisir personnel ? J'avais... J'avais peur qu'il ne t'arrive quelque chose. Peur que Deep Blue soit toujours là, quelque part dans ce garçon, et qu'il ne te fasse du mal. C'est pour ça que je suis resté au lieu de retourner auprès des miens. Là où, certes, je n'avais personne à retrouver, mais où je n'aurais pas eu à porter de capuches ridicules pour me faire accepter.

    Le la lâchai finalement, laissant retomber mes bras le long de mon corps, baissant la tête et laissant échapper un unique sanglot.

    - Si tu penses que cette année a été facile pour moi, si tu penses que je n'ai pas souffert atrocement à chaque fois que tu m'as rejeté, si tu penses que... que je n'ai pas cent fois pensé que j'aurais mieux fait de ne jamais te rencontrer, tu te trompes complètement. Je l'ai souhaité tellement, tellement souvent...

    Il se mit à pleuvoir, d'abord doucement, puis en quelques secondes à peine, une averse comme celle de la veille avait presque déjà achevé de nous tremper. Je la regardai à nouveau dans les yeux. La colère et l'incompréhension avaient complètement quitté son visage. Elle pleurait avec moi. Peut-être même pour moi. Je ne pus m'empêcher de lui sourire tendrement, toutes les larmes retenues jusque-là continuant de couler.

    - Et pourtant, je ne changerais tout ça pour rien au monde. J'ai eu si souvent envie de mourir par ta faute... et pourtant, tu es la seule et unique raison pour laquelle j'accepte avec joie de continuer à vivre chaque jour de cette vie misérable, vide et inutile. Parce que chaque jour de cette vie me permet de voir ton visage, de voir ton sourire, d'entendre ta voix.

    Je la pris dans mes bras, serrant son corps frêle et sans énergie contre le mien. Elle semblait véritablement vidée de ses forces, et j'eus l'impression de tenir une poupée de chiffon... si ce n'est qu'elle respirait.

    - Alors je t'interdis de dire que tu veux mourir. C'est probablement, même certainement égoïste, mais je t'en empêcherai, quoi qu'il m'en coûte. C'est compris ?

    Elle se contenta d'acquiescer faiblement en hochant la tête contre mon épaule, avant de lever mollement les bras pour agripper délicatement mon pull. Probablement aussi fort qu'elle le pouvait à ce moment-là. Me rendant plus ou moins mon étreinte. Se blottissant plus ou moins dans le creux de mon cou.

    Les phares d'une voiture passant sur la route derrière nous attirèrent mon attention sur une silhouette qui se tenait à quelque pas de là où nous nous trouvions.

    ---

    J'avais sans m'en rendre compte marché jusqu'à la maison d'Ichigo. Enfin, presque. Sa mère nous avait entendus crier, et avait apparemment entendu... disons, une très grande partie de notre conversation, si pas tout. Après nous avoir presque suppliés de rentrer, il avait fallu s'armer de courage et de patience pour qu'Ichigo accepte de me lâcher et d'aller prendre une douche pour se réchauffer. Elle n'avait pas crié, pas hurlé, n'avait pas piqué de crise de nerf comme elle l'avait fait tout l'après-midi. Elle s'était contentée de s'accrocher à moi de toutes ses forces, une nouvelle fois comme si elle avait peur que je ne disparaisse à la seconde où elle me lâcherait. Elle s'était contentée de secouer la tête en signe de négation, probablement assez fort pour s'en donner le mal de mer, quand sa mère lui disait d'arrêter ça.

    Et voilà que je me retrouvais seul avec sa maman. Toujours trempé, et dans ces vêtements humains, c'était encore plus désagréable qu'avec les miens... J'avais retiré le pull, dont le poids avait triplé à cause de la pluie, et elle l'avait mis à sécher dans une autre pièce. Elle m'avait demandé de m'asseoir en face d'elle, de l'autre côté de la table, et je m'étais simplement exécuté.

    Pourquoi je lui avais balancé cette vilaine phrase, le matin-même, déjà ? Pourquoi j'avais ruiné toutes mes chances de m'entendre avec l'une des personnes les plus importantes dans la vie d'Ichigo en 5 minutes chrono ? Parce que j'étais énervé sur le coup ? Parce que j'étais complètement demeuré, oui !

    Je réalisais seulement maintenant à quel point ma réaction avait été monumentalement stupide. Alors que je cherchais une façon efficace de m'excuser, elle me devança.

    - Je suis désolée pour ce matin. Je n'aurais probablement pas dû... réagir comme je l'ai fait. Après tout, Ichigo a l'air naïve et tête en l'air, mais si elle t'a demandé de rester avec elle, et si elle t'a fait confiance, elle devait avoir ses raisons...

    - Oh, euh... Ce n'est rien ! Je comprends ce que vous voulez dire par naïve et tête en l'air, haha... J-Je suis désolé aussi, de... enfin... pour ce que j'ai dit... C'est juste que, j'ai du mal à supporter qu'on la fasse pleurer, et...

    - C'était plutôt beau, ce que tu lui as dit... Très triste, mais beau. Tu... l'aimes, pas vrai ?

    - Oui.

    M'attendant à une mimique de dégoût, d'horreur, d'incrédulité, je fus plus que surpris de la voir me sourire gentiment. Presque le même sourire que celui d'Ichigo. Ce qui, après une courte réflexion, était plutôt normal.

    - Je suis contente que ma fille ait des amis aussi gentils.

    - Oh, elle... elle en a beaucoup, vous savez, et de bien plus gentils que moi ! Moi... je commence à peine à saisir le sens du mot "ami", alors...

    - Peut-être bien que les autres sont trop gentils, dans ce cas. Ce que je sais, c'est que tu es le seul d'entre eux qui se soit suffisamment soucié d'elle pour la secouer aussi violemment qu'elle en avait besoin. Qu'ont fait les autres ?

    - ... De ce que j'en sais, ils se sont contentés de lui dire qu'elle ne devait pas aller en Gleutaire, et de supporter sa mauvaise humeur qui a suivi...

    - "En Gleu"- ...?

    Elle me lança un regard surpris, puis éclata de rire. "Telle mère, telle fille", aussi incompréhensibles l'une que l'autre.

    - Tu veux dire, "en Angleterre", avec Aoyama ?

    ... Ah. Cette fois, je sentis même mes oreilles rougir, tout en hochant timidement la tête, la faisant rire à nouveau. Elle s'arrêta de rire en entendant une porte claquer, à l'étage.

    - Ah, je pense qu'Ichigo a terminé de prendre sa douche, ... mais elle boude encore, apparemment. Viens, je vais te prêter un pyjama de mon mari pour que tu puisses aller te réchauffer sous la douche, toi aussi.

    - Ah, euh... d'accord.

    ---

    Heureusement, mon regard interloqué devant la fameuse "salle de bain" avait suffi à lui faire comprendre que je n'avais jamais vu et encore moins utilisé ce genre d'installation, et elle m'avait expliqué comment tout fonctionnait. Je n'avais pas tout retenu, mais à force d'essais-erreurs, j'avais réussi à avoir de l'eau chaude. Il ne me restait plus qu'à espérer que les marques rouges sur ma peau, apparue lorsque l'eau était trop chaude, partiraient vite... et que Sakura, la maman d'Ichigo, ne m'en voudrait pas trop pour avoir transformé la pièce en mi-piscine, mi-patinoire.

    Après avoir enfilé le pyjama, cette fois vraiment beaucoup trop grand pour moi, contrairement à ce fameux pull (et je réalisai alors que le père d'Ichigo, en plus d'être une personne terrifiante quand on casse une "tasse", était plus que probablement un géant), je me rendis devant la porte de la chambre d'Ichigo et toquai, comme me l'avait conseillé sa mère auparavant.

    - Laisse-moi tranquille, maman.

    - Euh, c...c'est moi...

    J'entendis un bruissement, puis des pas rapides et de plus en plus proches, avant que la porte ne s'ouvre. Elle s'apprêtait très probablement à m'attraper d'une façon ou d'une autre pour m'attirer rapidement à l'intérieur et pouvoir la refermer tout de suite, mais fut stoppée net en me voyant. Et explosa de rire.

    Le pyjama à rayures blanches et bleues ne m'allait pas particulièrement bien, esthétiquement parlant, mais pour ajouter à cela, le haut du pantalon se trouvait au niveau du bas de mes côtes et le bas s'évertuait quand même à traîner légèrement par terre, tandis que le plus haut bouton de la chemise m'arrivait presque au même niveau que les tétons, ce qui me faisait un décolleté plongeant, et m'arrivait en haut de la cuisse au lieu des hanches.

    - On... On dirait un gamin qui a essayé le pyjama de son père, hahaha !!

    Elle avait carrément les larmes aux yeux tellement elle riait fort... Sakura monta l'escalier à une vitesse folle, apparemment curieuse de voir ça, tenta pendant quelques secondes de se retenir de rire, par politesse, mais échoua très, trop rapidement.

    - Oh, ça va... J'y peux rien si je suis petit et mince...

    Pour compléter mon air faussement boudeur, je tentai de croiser les bras en signe de "mécontentement", mais me pris l'une des manches, également bien trop longues, dans la figure. Ce qui fit redoubler les éclats de rire et manqua de peu de leur ôter la vie à toutes les deux, les empêchant presque de respirer pendant un moment. Elles finirent par terre, toujours prises de fou rire, incapables de tenir sur leur jambes, à bout de souffle, tandis que je faisais de mon mieux pour retrousser les manches et jambes du pyjama maudit.

    - J'aurais probablement dû te prêter une de mes nuisettes, ça aurait certainement beaucoup mieux convenu au niveau de la taille !

    - Oooh, j'ai failli réussir à lui faire porter une robe trop mignonne, tout-à-l'heure, figure-toi !

    - Avec sa silhouette, ça lui irait bien, pas vrai ?

    - C'est sûr !

    Et les voilà reparties pour un nouveau fou rire à mes dépens... enfin, au moins elles n'étaient plus en froid.

    ---

    Après cela, Ichigo avait accepté de descendre manger ce que sa mère nous avait préparé, et lui avait parlé d'Aoyama. Évidemment, comme toute mère, du moins je suppose, elle sut mieux que personne trouver les mots pour convaincre Ichigo que son idée n'était pas la bonne. En soi, elle avait dit plus ou moins la même chose que moi, sauf... qu'elle avait parlé de ce qu'elle ressentirait si sa fille partait. De ce que son père ressentirait. Ichigo s'était mise à pleurer en réalisant à quel point son projet était égoïste et à quel point il aurait fait souffrir ses parents.

    Je m'étais concentré sur ce qui la ferait souffrir elle, sur des choses qui étaient tout de même plutôt hypothétiques et ne la touchaient pas (elle souffrait déjà, après tout, même si je n'aurais pas imaginé que c'était à ce point), mais finalement, pour Ichigo, la souffrance des autres était toujours plus importante que la sienne.

    ---

    - Dis... tu dors ?

    - Mmm... non...

    Je rouvris tant bien que mal les yeux, presque déjà endormi, et mon coeur rata à nouveau un battement en voyant ses jolis yeux marrons nez à nez avec les miens. Comme la veille, lorsqu'elle m'avait trouvé dans mon arbre. Cette pensée me fit sourire. La principale différence était qu'à ce moment précis, ce n'était pas le soleil mais la lune qui illuminait son joli visage souriant et ses yeux plein de... de quoi, d'ailleurs ?

    - C'était vrai, tout ce que tu m'as dit tout-à-l'heure...?

    - Évidemment, idiote.

    - Alors, ça veut dire que tu m'aimeras toujours ?

    Mon sourire s'agrandit.

    - Encore plus longtemps que ça.

    Elle eut un petit rire, franchement adorable.

    - C'est possible, ça ?

    - C'est encore plus impossible que j'arrête de t'aimer une fois que "toujours" sera fini, alors possible ou non, je m'en fiche, je le ferai.

    Elle se tortilla dans ses jolis draps roses pour se rapprocher de moi, front contre front, pieds contre pieds.

    - Tu m'attendras ?

    - Hm ?

    - Même si je mets du temps avant de t'aimer autant que toi tu m'aimes, ... tu m'attendras ?

    Je hochai la tête, mes yeux plantés dans les siens, mon visage aussi sérieux que possible, sachant que c'était une promesse importante. Des larmes se formèrent aux coins de ses yeux et sa voix se fit toute petite.

    - Tu ne m'oublieras jamais, pas vrai...?

    Je passai un bras dans son dos pour la rapprocher encore un peu plus, un sourire chaleureux et amusé aux lèvres.

    - Bien sûr que non... idiote.

    Voilà la fin "heureuse" du oneshot "Le bonheur" ! Enfiiin ♥o♥

    Alors si vous vous demandiez; oui, la "fin" fait la même taille que le oneshot lui-même.

    J'avoue que j'étais morte de rire toute seule devant mon écran avec cette histoire de père d'Ichigo et de tasse, haha... enfin, surtout en me relisant, après avoir dormi et oublié que j'avais écrit ça... x'D

    Finalement, je ne sais pas si j'ai envie de faire une fin "triste",
    genre, ça se finirait sûrement en suicide et ça c'est nul.

    Aussi, pour celles et ceux qui traversent peut-être des moments difficiles actuellement,
    j'espère que ce oneshot vous redonnera un peu d'espoir; tout comme pour Kisshu, votre vie a ses bas,
    mais elle aura aussi un jour ses hauts, ne vous en faites pas ! ♪

    Par pitié, dites-moi ce que vous en avez pensé, parce que je me suis arraché tellement de cheveux
    sur tellement de passages, et j'ai tellement lutté contre le sommeil pour le finir ce soir,
    que je veux vraiment votre avis, genre, des commentaires "aussi bien" que pour "Le bonheur" svp ♥ >w<

    Bisous, et bonne journée/nuit !


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  • Et si Kisshu avait obtenu ce dernier baiser ?

    Il avait peur. Il allait mourir et il le savait. Il allait la sauver, mais ça lui coûterait la vie, à lui et à tout son peuple - mais de toutes façons il était trop tard pour eux, Deep Blue les avait trahis, et même s'il le laissait détruire Ichigo et la Terre, ça ne les aiderait pas.

    Il avait rassemblé tout son courage et enfoui sa peur, son anticipation au plus profond de son estomac, formant une boule douloureuse qui lui donnait presque la nausée. Il devait ne rien laisser paraître. Si ce faux dieu se doutait de la supercherie, tout serait fini, et elle mourrait.

    Il ne pouvait le permettre.

    - Baissez votre bras, je vous prie. Je ne peux vous laissez vous salir les mains avec cette pitoyable humaine...

    Il ne savait pas trop par quelle magie, mais ça avait marché. Il avait annulé l'attaque qu'il retenait depuis quelques minutes, braquée sur elle. Il pouvait passer à l'action.

    Mais il ne put s'empêcher de tergiverser. Il voulait le tuer. Mais il voulait aussi qu'elle sache pourquoi. Qu'elle sache que s'il mourait, ça n'était pas pour le tuer. Que c'était pour la sauver. Que c'était parce qu'il l'aimait.

    Il allait mourir de toute manière, étant forcé de se mettre lui-même à la merci de son "Seigneur" pour pouvoir lui porter le coup fatal. Alors l'effet de surprise ou la rapidité d'exécution n'avaient pas grande importance...

    Ou peut-être que si, finalement. Il ne fut pas assez rapide et son épée le transperça avant même que le saï puisse effleurer ses vêtements. Il entendit la jeune fille pousser un cri d'horreur, par-delà le son répugnant de la lame transperçant son corps de part en part. Le choc psychologique ne lui permit pas de ressentir la douleur.

    Pendant bien trop peu longtemps à son goût.

    Il sentit l'épée faire le chemin inverse à travers sa chair, le lacérant à nouveau de l'intérieur, et seule l'intensité de sa souffrance l'empêcha de hurler, l'air se bloquant dans sa gorge tandis que tous ses muscles se tendaient. Il l'envoya valser à l'autre bout de la pièce, juste à ses pieds.

    Elle le prit délicatement dans ses bras. Elle savait certainement aussi bien que lui que c'était la fin, que peu importait qu'elle le manipule ou non, la blessure lui serait de toute façon fatale. Il était plutôt heureux de passer ses derniers instants dans ses bras. Il décida d'en profiter pour lui dire ces mots qu'il avait eu tant de mal à trouver durant cette année où elle avait été spéciale pour lui sans qu'il n'arrive à vraiment s'expliquer pourquoi ou comment.

    - Je t'aime

    « Juste une dernière fois... »

    Puisant dans ses dernières ressources, il parvint à poser ses lèvres contre les siennes. Il savait que ça ne lui plairait pas, mais lui accorder ce tout dernier souhait ne la tuerait pas... pas vrai ?

    Tout devint noir. Il entendit le bruit sourd de sa chute tandis que son corps sans vie retombait mollement sur le sol.

    Deep Blue cligna des yeux. Une fois. Deux fois. Trois fois. Ichigo fit de même, regardant sa main avec une certaine appréhension, puis regarda le corps sans vie de l'alien d'un air furieux. « Sérieusement ?!! »

    - Kiiiiisshuuuuuu...
    - Un... chat ? ... Bah, peu importe. Bye bye, chaton.

    Sur ses mots, il empala la forme féline d'Ichigo puis acheva de raser la planète, se déchirant la gorge dans un rire de fou-furieux lorsque la Terre fut enfin à lui, et à lui seul.

    • Oneshot ~ Un dernier baiser ♪

    Eh eh. Bon ça m'a pris genre 15 minutes à écrire ça mais voilà.

    Y'a pas longtemps je me suis dit que c'était quand même dommage d'avoir fait en sorte qu'Ichigo se transforme en chat juste pour introduire Alto et d'une part, offrir du fanservice IchiRyo (mais on s'en plaindra pas) et d'autre part avoir une excuse pour parler de son passé... mais au final, une fois l'épisode 36 (celui justement avec son passé) terminé, on ne la revoit plus se transformer. Bon, on ne la voit plus se faire embrasser non plus vous me direz, mais "comme par hasard", hein ! Et donc, j'me disais "Heureusement que ça n'arrive pas à la toute fin quand elle embrasse Masaya !"

    Et là j'me suis dit "Eh, avec Masaya on peut supposer que c'est parce qu'elle donne sa vie etc, mais et si Kisshu avait eu le fameux dernier bisou qu'il essaie d'obtenir ?!!"

    Voilà, c'est comme ça qu'est né ce très court oneshot. J'espère que vous l'aurez apprécié ! ♪


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  • Elle ouvrit doucement les yeux. Elle se trouvait dans un lit, dans une pièce ridiculement rose qu'elle assimila assez rapidement à la salle de repos du café. La fenêtre entrouverte sur l'arrière du bâtiment laissait entrer une brise douce et chaleureuse. Le soleil commençait à entamer sa descente au loin, tout comme le printemps commençait doucement à laisser place au début de l'été. Les rideaux blancs flottaient légèrement au vent, et elle sourit, sachant qu'elle avait réussi à redonner vie à tout ce que Deep Blue avait pu détruire. La porte derrière elle s'entrouvrit et, ses gênes de chat ne l'ayant pas totalement quittée, elle reconnut immédiatement à qui appartenait ces bruits de pas. Il traversa la pièce, contournant le lit pour se mettre elle ses yeux et la fenêtre, et lui sourit tendrement en s'asseyant sur une chaise posée à côté du lit. Son sourire s'agrandit en le voyant.

    - Aoyama-kun... tu vas bien...

    Il rit doucement, son rire sonnant comme la musique douce d'un carillon aux oreilles de la jeune fille, et ses yeux se serait emplis d'encore plus d'amour et de tendresse à son égard, si c'eut été possible. Rien n'était vraiment impossible, à vrai dire. Pas aujourd'hui.

    - Oui, je vais bien, grâce à toi. Et toi, comment te sens-tu ?

    Son sourire endormi perdit un peu de sa largeur, et ses sourcils se froncèrent légèrement. Elle força ses yeux à quitter ceux du jeune homme, ayant trop peur de voir quelque réaction que ce soit sur son visage après qu'elle lui aurait répondu.

    - Je... ne sens plus du tout mes jambes...

    Même sans le regarder, elle pouvait deviner au silence qui avait suivi qu'il était abasourdi. Évidemment. Elle-même aurait paniqué si elle n'avait pas cette perfusion - probablement des antidouleurs ? - qui l'assommait et la rendait vaseuse. Elle n'était même pas tout-à-fait sûre de ne pas rêver. Et pourtant, ça ne pouvait qu'être la réalité...

    Il finit, après un long moment de silence, par glisser une main sous sa joue qui reposait contre l'oreiller, afin de la forcer gentiment à le regarder dans les yeux. Il lui souriait du mieux qu'il pouvait, la tristesse pourtant plus qu'évidente sur son visage.

    - Ne t'en fais pas, ça n'est sûrement que temporaire. Pas vrai ? Tu n'as aucune blessure physique qui pourrait le causer, c'est certainement dû à l'épuisement. Tu as passé la journée à combattre, après tout...

    Il détourna les yeux, regardant ses pieds, avant d'ajouter

    - par ma faute...

    Elle tendit faiblement la main vers son visage, caressant doucement sa joue pour qu'il la regarde, et lui offrit le sourire le moins triste et le plus tendre qu'elle pouvait lui offrir.

    - Ça n'est pas de ta faute. C'est celle de Deep Blue.

    - Mais je suis-

    - Tu n'as absolument rien en commun avec lui. Il a juste volé ton corps pour faire des choses horribles, mais rien de tout ça n'était de ta faute. Tu n'as rien fait de mal. Et même si...

    Elle avala difficilement sa salive et inspira profondément entre deux sanglots, réalisant qu'elle était en train de pleurer.

    - Même si je ne remarche jamais... Ce ne sera pas de ta faute. Je t'interdis de le penser.

    Elle eut du mal à discerner son expression. En partie à cause des larmes qui floutaient sa vision, mais aussi parce qu'elle était indéchiffrable. Il porta sa deuxième main à sa deuxième joues, essuyant doucement ses larmes avec ses pouces, entremêlant le bout de ses doigts dans ses cheveux en caressant son visage, et se pencha vers elle. Elle ouvrit grand les yeux. Il s'apprêtait à l'embrasser. Leur premier baiser. Elle en avait rêvé tant de fois, elle attendait ce moment depuis si longtemps, et pourtant... quelque chose sonnait terriblement faux. Au lieu de battre la chamade et de diffuser un sentiment de bonheur dans tout son être, son cœur se serrait et son estomac se nouait à mesure qu'il approchait, la rendait presque malade, lui donnant l'impression d'étouffer. Elle tourna très légèrement la tête au dernier moment, presque par instinct, et une question échappa malgré elle à ses lèvres, tandis que le jeune homme lui lançait un regard à la fois perplexe, inquiet et... déçu.

    - Où... Où est Kisshu ?

    Elle ne jeta qu'un très rapide coup d’œil vers son visage, culpabilisant immédiatement en y décelant une tristesse inqualifiable. Le sourire triste de tout-à-l'heure semblait désormais radieux en comparaison avec celui qu'il s'efforçait de lui offrir.

    - Je vais le chercher.

    Il caressa une dernière fois sa joue et la couvrit à nouveau de son regard aimant, comme si c'était la dernière fois qu'il la verrait de sa vie, avant de se lever et de quitter la pièce, fermant la porte derrière lui. Elle s'en voulait. Elle s'en voulait, et pourtant, si elle avait pu revenir quelques instants en arrière, elle aurait fait la même chose. Ça semblait vraiment bizarre, à elle la première, mais elle n'était plus tout-à-fait sûre de ce qu'elle ressentait pour lui. Elle l'aimait depuis - depuis quand, d'ailleurs ? Ils ne se connaissaient que depuis un an, depuis son entrée au collège au printemps précédent, où il était déjà le 2ème année le plus célèbre de l'établissement et où elle avait instantanément craqué sur lui, et pourtant, avec tout ce qu'il s'était passé durant cette année, tout ça lui semblait s'être passé il y a une éternité. Y repenser la rendait terriblement nostalgique... Cette époque lointaine et pourtant si proche où elle n'était qu'une jeune fille ordinaire parmi tant d'autres, où elle ne combattait pas des monstres toutes les semaines, où elle ne se faisait pas exploiter dans un café aux employés plus étranges les uns que les autres, où... où des aliens dévergondés ne tentaient pas de voler ses lèvres et son cœur à chaque coin de rue qu'elle tournait.

    Il le lui avait déjà dit, quelques jours plus tôt. Il s'était énervé, lui avait fait mal - elle en avait encore des bleus - et avait fini par lui avouer ses sentiments, en larme. Ça lui avait semblé tellement bizarre, ça aussi. Même si elle l'avait vu et que depuis, le souvenir se rejouait encore et encore dans sa tête, elle avait encore du mal à se rendre compte que Kisshu avait pleuré. Pour elle. Parce qu'il était désespéré qu'elle ne l'aime pas, et parce qu'il l'aimait. Quelques jours plus tôt, elle s'était dit qu'il avait simplement eu un moment de faiblesse, qu'il avait exagéré. Aujourd'hui, il était mort pour elle. Pour la protéger. Dans l'espoir qu'elle l'aime en retour, ou au moins lui offre un baiser de victoire. La pensée la fit rire, même si son visage exprimait toujours autant de tristesse.

    Aujourd'hui, elle n'avait plus aucun doute quant aux sentiments que ces deux garçons éprouvaient pour elle. Ils avaient tous les deux été prêts à mourir pour la sauver, et désormais, elle était perdue. Aoyama était le premier garçon dont elle était tombée amoureuse, et elle l'aimait vraiment beaucoup... Mais Kisshu l'avait complètement bouleversée lors de ce combat. Il avait été tellement adorable... Il lui avait à nouveau dit qu'il l'aimait. Il avait dû rassembler toutes les forces qui lui restaient pour prononcer ces mots, et ils l'avaient touchée en plein cœur. Le simple fait d'y repenser le fit d'ailleurs palpiter, envoyant des milliers de papillons chatouiller son estomac et la faisant sourire. Elle aurait dû paniquer à l'idée qu'il entre dans cette pièce d'une seconde à l'autre et qu'elle pourrait alors avoir à faire à nouveau le choix de se laisser embrasser ou non, à l'idée de ce qu'elle allait bien pouvoir lui dire - elle savait que si elle évoquait la possibilité de sentiments réciproques, il ne la lâcherait plus jamais et serait détruit si elle finissait par choisir Aoyama, mais elle n'avait pas envie de lui cacher ce qu'elle ressentait pour autant. Heureusement pour elle, la perfusion lui faisant toujours légèrement tourner la tête, ces pensées n'effleurèrent son esprit qu'en surface et ne la tracassèrent pas plus que cela.

    La porte s'ouvrit enfin, un peu trop violemment - elle se doutait qu'il devait être tout content qu'elle veuille le voir, mais il y avait des limites à l'enthousiasme, tout de même ! - et avant même qu'elle ne s'aperçoive qu'on avait traversé l'espace entre la porte et le lit, une main lui saisit assez brutalement l'épaule, la forçant à se mettre vers le dos, lui faisant tourner un peu trop vivement la tête vers un Masaya à l'expression plutôt urgente.

    - Ichigo ! Kisshu est sur le point de partir !

    Elle resta figée quelques secondes, ses grands yeux roses complètement perdus, essayant d'analyser la phrase qu'elle venait d'entendre mais avait du mal à assimiler. Elle papillonna des yeux avant de froncer les sourcils; elle avait forcément mal entendu.

    - Quoi ?

    - Shirogane a donné aux aliens le reste du mew aqua, pour qu'ils puissent rendre leur planète natale* habitable. Ils s'en vont ! Ils sont déjà en route vers leur vaisseau, ils décolleront d'une minute à l'autre !

    Elle continua à lui lancer un regard effrayé mais perdu. Elle ne comprenait pas. Son cerveau ne voulait pas comprendre. Il attrapa également sa deuxième épaule et la secoua, à la fois doucement et fermement.

    - Il va s'en aller, Ichigo, et il ne va jamais revenir !

    La pièce venait de tomber. Ses yeux s'écarquillèrent, incrédules, tandis que son visage peinait à refléter le désespoir qui s'installait peu à peu en elle. Des larmes perlèrent aux coins de ses yeux et elle s'assit dans le lit, jetant ses jambes sur le côté et les posant sur le sol. Elle s'étala au sol presque aussitôt qu'elle fut levée, mais se releva tant bien que mal en sanglotant. Il fallait qu'elle les rattrape. Il fallait au moins qu'elle le remercie. Il fallait qu'il sache que ses sentiments l'avaient touchée. C'était le moins qu'elle puisse faire après ce qu'il avait enduré par amour pour elle. Elle parvint à se relever grâce au mur et prit un instant appui contre celui-ci, les jambes en coton. Si elle courait assez vite, peut-être pourrait-elle y arriver, même si elle ne les sentait pas. Elle avait déjà couru sans plus du tout sentir ses jambes, en cours de sport, après une longue course d'endurance, et elle n'était tombée que lorsqu'elle avait voulu s'arrêter. Elle mordit l'intérieur de sa joue pour se faire violence et s'élança d'une façon plutôt bancale vers les portes du café. Elle entendit Shirogane pester après elle alors qu'il s'était écarté de son chemin juste à temps, mais n'aurait pas pu moins s'en soucier. Elle continua à courir aussi vite que possible, entendant son cœur battre dans ses oreilles et sentant ses poumons la brûler atrocement, les larmes qui ne cessaient de couler de ses yeux n'aidant clairement pas à ce qu'elle puisse se repérer. Elle n'avait aucune idée d'où se trouvait leur vaisseau, mais qui sait, peut-être aurait-elle de la chance ? Peut-être son instinct de mew mew la conduirait-il à eux ?

    Elle finit par arriver dans une petite clairière, dans la forêt qui bordait le parc, et par trébucher sur le sol humide, s'étalant magistralement sur la terre boueuse. Elle poussa une petite plainte, tentant de récupérer son souffle, et entendit par-dessus les battements tonitruants de son cœur un bruit semblable à celui d'un avion, néanmoins très différent. Le vaisseau n'était que quelques centaine de mètres face à elle, ... en train de décoller. Elle se fit rouler sur le dos, portant son avant-bras boueux à son visage, ses pleurs redoublant d'intensité. Elle sanglotait comme un bébé, se fichant que des passants l'entendent et la croient folle.

    Il était parti. Pour toujours. Et elle n'avait même pas pu lui dire "merci"...

    Elle ne savait pas combien de temps s'était écoulé. Elle n'entendait plus le vaisseau, et elle avait l'impression d'avoir pleuré pendant des heures, mais ça pouvait tout aussi bien faire deux minutes seulement. Un rire raisonna à sa droite. Un rire malicieux, qu'elle ne connaissait que trop bien. Elle se figea, tendit l'oreille à la recherche du moindre autre bruit significatif. Elle avait monstrueusement envie de tourner la tête, mais tout aussi peur de le faire et de se rendre compte qu'elle l'avait seulement imaginé. Pourquoi serait-il resté, après tout ?

    La curiosité finit par l'emporter et, s'asseyant pour frotter ses yeux comme elle le pouvait sans se mettre trop de boue partout, tenta un regard hésitant à sa droite. Elle fut récompensée par une jolie vue sur les arbres qui entouraient la clairière, et se serait remise à pleurer de plus belle si elle n'avait pas senti son souffle chatonner sur son oreille gauche.

    - J'ai trouvé un chaton errant tout boueux... Je me demande si je devrais le ramener chez moi ? ♪

    Elle tourna la tête vers lui tellement vite qu'elle en eut un vertige. Il flottait à côté d'elle, les jambes droites vers le sol et l'avant de son corps plié par une souplesse inhumaine pour avoir son visage juste face au sien. Son sourire habituel, joueur et aguicheur, à la fois si énervant et si craquant, décorait ses lèvres tandis que son regard mesquin - et probablement un rien moqueur - détaillait le visage décomposé, surpris et sale de la jeune fille. C'était assez difficile à distinguer - plus qu'avec Masaya - mais elle était sûre, à bien y regarder, que ce regard était aussi rempli d'amour. Elle prit un air fâché, mais sa voix ne laissait paraître que de la joie.

    - Chez toi ? Et puis quoi encore ? J'ai Aoyama, moi, tu sais !

    Son rire retentit à nouveau autour d'eux, faisant légèrement accélérer son cœur. Elle ne s'était jamais rendu compte à quel point il était... envoûtant. Elle se promit de faire en sorte de l'entendre aussi souvent que possible. Il se redressa et lui tendit la main.

    - J'imagine que tu ne me laisseras pas t'aider à te nettoyer, mais laisse-moi au moins t'aider à te relever ?

    Elle lui rendit son sourire radieux et prit sa main. Ses jambes flageolèrent lorsqu'elle tenta de se mettre debout et elle se rappela soudainement du fait que les sensations y manquaient... Son visage redevint triste, et avant qu'elle n'ait fini d'ouvrir la bouche pour lui expliquer, il l'avait tirée suffisamment fort pour la forcer à se mettre debout, tout en réussissant par une magie quelconque à ne pas lui faire mal. Elle poussa un petit cri en se sentant tomber en avant, mais il enroula ses bras autour de sa taille et la tint fermement contre lui.

    - Qui aurait cru qu'un jour, tu me tomberais dans les bras ?

    Elle lança vers lui un regard meurtrier; qu'il la taquine, d'accord, après tout il était mort pour elle quelques heures auparavant. Mais il était trop tôt pour qu'elle puisse rire de cette paralysie. Elle le poussa loin d'elle et pointa vers lui un doigt accusateur, une veine pulsant sur son front.

    - C'est pas drôle ! Moi qui pensais que tu avais peut-être bon fond, en fait tu n'es qu'un méchant ! Dire que j'ai failli envisager le fait de peut-être pouvoir ressentir un jour quelque chose pour toi... Eh bien tu sais quoi ? Ça n'arrivera jamais, parce que tu es trop-

    - Chaton.

    Elle se stoppa un instant, abasourdie qu'il ait osé l'interrompre, puis sentit les poils de ses oreilles, de sa queue (qui étaient sortis sous le coup de l'énervement) et les cheveux de sa nuque se hérisser. Sa voix ressemblait presque à un feulement.

    - Quoi ?!

    Il la regarda d'un air amusé, l'énervant encore plus. Elle lui aurait volontiers mis son poing en pleine figure à ce stade, si seulement elle pouvait tenir sur ses-

    Elle regarda ses pieds. Ils étaient indéniablement perpendiculaires au sol. Elle l'avait poussé à un bon mètre d'elle avait de lui crier dessus, et elle ne s'appuyait contre rien. Ses jambes semblaient toujours endormies, mais elle sentait ses orteils et la plante de ses pieds lui picoter très légèrement. Elle releva la tête vers lui, et constata qu'il faisait vraiment de son mieux pour ne pas éclater de rire. Un peu en arrière, Aoyama quitta sa cachette derrière l'un des arbres et lui fit un sourire embarrassé. Elle lui lança un regard inquisiteur.

    - Désolé... En fait, je suis vraiment juste allé chercher Kisshu, mais avant que j'aie pu lui dire que tu voulais le voir, il m'a demandé comment tu allais, et... je lui ai dit, pour tes jambes. J'ai pensé que ce serait difficile pour toi de le répéter à tout le monde individuellement.

    Kisshu continua, ayant finalement réussi à reprendre le peu de sérieux qu'il était capable d'avoir.

    - Quand le blondinet et le brun ont dit que c'était sûrement dû aux chocs émotionnels que tu as eus aujourd'hui, et qu'il faudrait sûrement juste trouver une bonne source de motivation pour que tu puisse remarcher...

    - ... Eh bien... on s'est dit que, puisque tu voulais voir Kisshu...

    Masaya avait paru plutôt triste en disant cela, et même l'alien semblait se sentir désolé pour lui.

    - Bref, on s'est dit qu'une bonne frayeur te remettrait d'aplomb, et quoi de plus effrayant que l'idée de ne plus jamais me revoir ?

    Il prit une pause théâtralement dramatique, tirant un petit rire à son rival, qui continua.

    - Finalement, même si ç'aura été un peu plus salissant et compliqué que prévu, il semblerait que ça ait fonctionné ?

    - Euh... ou-oui, je pense. Je commence à sentir mes pieds... un peu.

    Les deux adolescents lui firent un immense sourire qu'elle leur rendit, les joues légèrement rouges, tout en faisant très mal semblant de bouder.

    - N'empêche, c'est pas sympa de me mentir et de me faire peur comme ça !

    Il rirent à nouveau tous les trois et se mirent en route vers le café, un des garçons de chaque côté d'elle au cas où elle tomberait, allant tous les trois à un pas d'escargot pour respecter l'allure d'Ichigo. Ils en profitèrent pour parler un peu tous les deux, et elle fut plus ou moins heureuse qu'ils aient fini par développer une sorte de complicité. L'écologie semblait être un sujet qui leur tenait à cœur à tous les deux, et Kisshu n'interrompit leur conversation passionnée que pour poser la question à Ichigo.

    - Au fait, chaton... De nous deux, c'est moi que tu aimes, finalement, pas vrai ?

    Elle s'arrêta net, manquant de peu de trébucher sur son propre pied, et rougit jusqu'aux oreilles. Le visage entier du jeune homme irradiait de malice, et il semblait se délecter de l'effet que cette question eut sur elle. Elle tourna la tête vers Masaya en espérant y trouver un quelconque soutien, mais fut encore plus étonnée de voir qu'il la fixait intensément, visiblement impatient de connaître la réponse. Elle poussa un grognement et se mit à courir - toujours à lenteur d'escargot - vers le café, suivie de près par Kisshu qui la suivait sans difficulté en volant et était un peu trop amusé à son goût par sa réaction, et de moins près par Masaya qui continuait à marcher tranquillement, un sourire attendri aux lèvres.

    - Tu fuis parce que tu as peur de lui dire que tu m'aimes, c'est ça ? Tu es beaucoup trop gentille avec lui, chaton~

    - Pas du tout !

    - Oh, alors c'est à moi que tu as peur de briser le cœur ?

    - Non- Enfin, je- Rhaaa, fiche-moi la paix !

    Elle passa enfin les portes du café, pensant déjà à la douche bien chaude qu'elle allait prendre pour se débarrasser de toute cette boue séchée et des fourmillements qui avaient désormais gagné ses mollets, mais Ichigo étant Ichigo, elle trébucha sur son lacet, atterrissant pile poil dans les bras de son patron diabolique. Elle recula rapidement et tenta de s'excuser, mais l'émotion accumulée étant trop forte, ne put qu'articuler des sons inintelligibles, rouge comme une tomate. Il lança un regard provocateur aux deux jeunes hommes qui la suivaient tout en prenant son menton entre deux doigts et en approchant son visage très, beaucoup trop près du sien.

    - On se bat pour le cœur de la fraise aux deux pieds gauches, c'est ça ? Malheureusement pour vous, son contrat et le règlement de l'établissement stipulent très clairement que toutes les fraises qui se trouvent dans l'enceinte du café mew mew m'appartiennent...

    Le cœur d'Ichigo rata un battement, puis deux, puis trois, et elle finit par disjoncter, lâchant un petit cri aigu avant que son cerveau ne surchauffe et de perdre connaissance dans les bras du beau blond, tandis que Kisshu avait sorti ses saïs, lui hurlant dessus et s'apprêtant à l'embrocher, et que Masaya lui lançait un regard assassin.

    • Oneshot ♪ Triforce mew mew ~

    Voici un petit oneshot, écrit assez rapidement (comprenez "en environ 4 heures") et que j'aime bien :D

    Bon au départ ça devait être un peu plus sérieux mais finalement, la fin me plaît assez bien ! Je pense que ça représente pas trop mal ce que doit ressentir et vivre notre "pauvre" Ichigo pendant certains moments de l'anime et du manga... :p

    "Sakaku kankei", parce que ça veut tout simplement dire "Triangle amoureux" ! '^'
    Quand on n'a pas le don de trouver de bons titres, on fait ce qu'on peut, hein xD

    N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé !
    N'hésitez d'ailleurs pas à faire de même sur les chapitres 2, 3 et 4 de Seconde chance,
    et/ou à aller les lire si ce n'est pas encore fait et que l'histoire vous intéresse ! :3

    Et, désolée d'avance, ce oneshot restera un oneshot, il n'y aura pas de suite ><"
    (Je trouve la fin bien comme ça ! ♪)


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